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Prescription des créances sur les collectivités

Conseil d’Etat, 17 décembre 2008, N° 282227

Un courrier adressé à l’administration par l’assureur de protection juridique d’un administré (attirant l’attention d’une collectivité sur ses responsabilité et sollicitant la désignation d’un expert) interrompt-il la prescription quadriennale ?

 [1]


Le puits d’un propriétaire privé est asséché à la suite de travaux d’assainissement, comprenant notamment la réalisation d’un tout-à-l’égout, décidés par le conseil municipal d’une commune bretonne (800 habitants) et réalisés, en 1992, par un syndicat intercommunal des eaux.

Trois ans après les faits, par courrier du 6 juillet 1995, l’assureur de protection juridique de l’administré, attire l’attention de la commune sur sa responsabilité dans les dommages subis par son assuré et propose la désignation d’un expert aux fins d’arrêter le montant du préjudice. La commune invite l’assureur à s’adresser au syndicat des eaux.

Ses démarches ayant échoué, le propriétaire du puits obtient, le 28 juillet 1998 (6 ans après les faits), la désignation d’un expert. Celui-ci remet son rapport le... 16 février 2001 (9 ans après les faits) lequel attribue l’assèchement du puits à la modification de la circulation des eaux souterraines causée par la réalisation des travaux et évalue à 50 000 F, soit 7 623 euros, le montant du préjudice subi par le propriétaire du puits.

Fort de ce rapport, le propriétaire assigne la commune et le syndicat des eaux afin d’obtenir réparation de son préjudice.

Trop tard lui répond le tribunal administratif qui lui oppose la prescription quadriennale. Selon les magistrats rennais :

 la créance dont il se prévalait était prescrite au 31 décembre 1997, soit avant la saisine de la juridiction aux fins de voir désigner un expert.

 Le courrier adressé par l’assureur de protection juridique de l’administré ne saurait "être regardé comme constituant une demande présentée par un créancier à l’administration, au motif que son auteur se bornait à demander une expertise" et n’a donc pu interrompre la prescription.

Tel n’est pas l’avis du Conseil d’Etat qui censure la position des juges du fond. Après avoir rappelé les termes de l’article 2 de la loi du 31 décembre 2008 [2], le Conseil d’Etat considère que le courrier litigieux "devait être regardé comme une réclamation ayant trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance au sens de la loi précitée" dès lors qu’il "rappelait l’existence du préjudice, identifiait son fait générateur, appelait l’attention de la commune sur sa responsabilité et proposait la désignation conjointe d’un expert aux fins de chiffrer le préjudice".

Conseil d’Etat, 17 décembre 2008, N° 282227

[1Photo : © Pulsar75

[2« La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l’administration saisie n’est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) »