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La genèse de la réforme du droit des contrats et des obligations

Le rapport présentant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 constitue un véritable petit traité de droit des contrats et des obligations. Pour en faciliter sa lecture, nous l’avons mis en forme.

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Un code civil devenu illisible

Alors que de nombreuses parties du code civil des Français issu de la loi du 30 ventôse an XII, devenu par la suite code Napoléon puis code civil, ont, au cours des dernières années, fait l’objet d’adaptation et de modernisation, le droit commun des obligations, à l’exception de quelques textes issus de la transposition de directives communautaires, n’a pas été modifié depuis plus de deux siècles. Ces règles ont certes été depuis complétées par une jurisprudence abondante, mais cette dernière est par essence fluctuante, voire incertaine, et peut être ressentie par les acteurs économiques comme difficilement accessible et complexe dans son appréhension. La seule lecture du code civil ne permet plus dans ces conditions de donner une vision claire et précise de l’état du droit positif qui, devenu en grande partie prétorien, a changé depuis 1804, la jurisprudence ayant tenu compte de l’évolution des mœurs, des technologies et des pratiques.

Un droit des contrats jugé complexe, imprévisible, et peu attractif

"Par ailleurs, dans une économie mondialisée où les droits eux-mêmes sont mis en concurrence, l’absence d’évolution du droit des contrats et des obligations pénalisait la France sur la scène internationale.
Tout d’abord, des pays qui s’étaient autrefois grandement inspirés du code Napoléon ont réformé leur propre code civil, en s’affranchissant du modèle français, trop ancien pour demeurer source d’inspiration, comme le Portugal, les Pays-Bas, le Québec, l’Allemagne ou l’Espagne, et il est apparu à cette occasion que le rayonnement du code civil français passait par sa rénovation.

Mais en dehors même de cette dimension politique, l’enjeu au niveau international d’une telle réforme du droit français est économique : les rapports « Doing business » publiés par la Banque mondiale, mettant régulièrement en valeur les systèmes juridiques de Common law, ont notamment contribué à développer l’image d’un droit français complexe, imprévisible, et peu attractif. Dans ce contexte, se doter d’un droit écrit des contrats plus lisible et prévisible, en s’attachant à adopter une rédaction dans un style simple ainsi qu’une présentation plus claire et didactique, constitue un facteur susceptible d’attirer les investisseurs étrangers et les opérateurs souhaitant rattacher leur contrat au droit français.

Dans le même temps, au cours de ces vingt dernières années, les projets européens et internationaux d’harmonisation du droit des contrats se sont multipliés : les principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international publiés en 1994 et complétés en 2004, les principes du droit européen des contrats (PDEC) élaborés par la commission dite Lando, publiés entre 1995 et 2003, le projet de code européen des contrats ou code Gandolfi, publié en 2000, le projet de cadre commun de référence (DCFR), qui couvre tout le droit privé et a été remis officiellement au Parlement européen le 21 janvier 2008, et enfin les travaux menés par la société de législation comparée et l’association Henri Capitant des amis de la pensée juridique française qui ont abouti à la rédaction de principes contractuels communs (PCC) publiés en février 2008".

Pour un consensualisme [1] propice aux échanges économiques

"Il est donc apparu nécessaire, conformément au vœu émis non seulement par la doctrine, mais également par de nombreux praticiens du droit, non pas de refondre totalement le droit des contrats et des obligations, mais de le moderniser, pour faciliter son accessibilité et sa lisibilité, tout en conservant l’esprit du code civil, à la fois favorable à un consensualisme propice aux échanges économiques et protecteur des plus faibles.

Plusieurs projets académiques ont ainsi été élaborés ces dernières années : celui du groupe de travail réuni autour de Pierre Catala puis celui du groupe de travail de l’académie des sciences morales et politiques sous l’égide de François Terré. Par la publicité donnée à ces projets, les acteurs de la vie économique et juridique ont été mis en mesure d’émettre des observations. La Chancellerie a également préparé des avant-projets qui ont été largement diffusés et commentés.

Enfin, à la suite de l’habilitation accordée au Gouvernement pour procéder à cette réforme par voie d’ordonnance, un nouveau texte, nourri de l’ensemble de ces travaux, a été soumis à consultation publique. Celle-ci a permis de recueillir les observations des professionnels du droit et des acteurs du monde économique qui, complétées par les nombreux articles de doctrine publiés sur le sujet, ont permis au Gouvernement d’aboutir à un texte répondant aux objectifs fixés de modernisation, de simplification, d’accessibilité et d’efficacité du droit commun des contrats et du régime des obligations, et susceptible de répondre aux attentes des praticiens".

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 L’intégralité de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

 L’intégralité du rapport présentant l’ordonnance (source légifrance)

[1Par opposition au formalisme du droit romain, le consensualisme est un principe juridique qui privilégie l’existence d’un consentement et d’un accord des parties sur la forme du contrat.