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Procédure d’abandon de poste : y compris pendant un arrêt maladie !

Conseil d’État, 11 décembre 2015, N° 375736

Un fonctionnaire peut-il être radié des cadres pour abandon de poste pendant un arrêt maladie ?

 [1]

Oui si l’agent a refusé de se soumettre, sans justification, ni circonstances particulières (liées notamment à la nature de la maladie pour laquelle l’agent a obtenu un congé), à une contre-visite médicale à laquelle il a été régulièrement convoqué. Encore faut-il que l’intéressé ait bien été mis en demeure par courrier de se soumettre à la contre-visite et explicitement informé qu’un refus de sa part l’exposait à une radiation des cadres.

Un adjoint technique employé au sein des services d’une commune, est victime d’un accident de service ayant occasionné une entorse du genou gauche. Il est arrêté pour près de trois mois.

Jugeant ce délai disproportionné, la commune sollicite une contre visite médicale. Mais l’agent ne répond pas à la convocation. Un mois plus tard la commune convoque l’intéressé à une deuxième contre-visite. Sans plus de succès.

Par lettre recommandé le maire informe alors l’agent, toujours en arrêt maladie, que son absence est irrégulière et le met en demeure de reprendre ses fonctions sous peine d’une radiation pour abandon de poste. Sûr de son bon droit, l’agent ne réagit pas plus à cette menace que le maire met à exécution...

L’agent obtient gain de cause en première instance et en appel

L’agent conteste sa radiation en justice estimant qu’une procédure d’abandon de poste ne pouvait être engagée pendant un arrêt maladie. De fait le tribunal administratif lui donne raison et invalide sa radiation, ce que confirme la cour administrative d’appel :

 la circonstance que l’agent se soit soustrait sans justification à deux contre-visites demandées par la commune ne permettait pas de considérer qu’il avait rompu tout lien avec le service ;

 la mise en demeure de reprendre son service lui avait été adressée à une date où il demeurait en position régulière de congé de maladie.

Le Conseil d’Etat donne raison à la commune

Le Conseil d’Etat censure cette position par un raisonnement en deux temps :

1° un agent en position de congé de maladie n’a pas cessé d’exercer ses fonctions. Ainsi une simple lettre adressée à un agent à une date où il est dans une telle position ne saurait, en tout état de cause, constituer une mise en demeure à la suite de laquelle l’autorité administrative serait susceptible de prononcer son licenciement pour abandon de poste.

2° Mais si l’autorité compétente constate qu’un agent en congé de maladie s’est soustrait, sans justification, à une contre-visite qu’elle a demandée elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure qui respecte les exigences de la procédure de radiation des cadres pour abandon de poste [2]. Cette lettre doit en outre informer explicitement l’agent qu’il encourt le risque d’une radiation s’il refuse de se soumettre, sans justification, à la contre-visite à laquelle il est convoqué.

Une radiation des cadres pour abandon de poste pourra alors être valablement prononcée même si, à la date de notification de la lettre, l’agent bénéficiait d’un congé de maladie : sans réaction de l’agent dans le délai fixé par la mise en demeure [3] et si aucune circonstance particulière [4] ne peut expliquer son abstention, l’administration est alors en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé.

Conseil d’État, 11 décembre 2015, N° 375736

[1Photo : @Kate Williams via Unsplash

[2Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu’il appartient à l’administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, l’informant du risque qu’il court d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l’agent ne s’est pas présenté et n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé.

[3Si l’agent ne justifie pas son absence à la contre-visite à laquelle il était convoqué, n’informe l’administration d’aucune intention et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d’ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste

[4Liée notamment à la nature de la maladie pour laquelle l’agent a obtenu un congé.