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Promotion d’une fonctionnaire proche parent du maire : despotisme ou déroulement normal de carrière ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 20 octobre 2015, N° 14-82587

Toute promotion d’un fonctionnaire proche parent d’un élu est-elle condamnable ?

Non répond la Cour de cassation : la promotion peut s’inscrire dans la logique du déroulement normal d’une carrière si elle ne traduit aucune rupture d’égalité de traitement entre les agents à compétence, diplôme et ancienneté équivalents. Est ainsi condamnée pour diffamation publique envers une fonctionnaire, une candidate qui avait dénoncé dans un tract la promotion au grade le plus élevé de la belle-fille du maire. Peu importe que de tels propos concernaient un sujet d’intérêt général relatif à la gestion des emplois municipaux. Reste à savoir si la Cour de cassation aurait eu le même raisonnement, si l’élu avait été poursuivi du chef de prise illégale d’intérêts qui réprime la prise d’un intérêt "quelconque" incluant ainsi un intérêt moral ou familial...

Au cours d’une campagne électorale, un tract dénonce la promotion obtenue par la belle fille du maire, au grade de l’échelon le plus haut des ingénieurs en chef au sein du service urbanisme. Dénonçant le despotisme du maire, l’opposante doute que le choix aurait été le même avec un CV anonyme.

La belle-fille du maire, qui a régulièrement réussi son concours, porte plainte pour diffamation publique. Déboutée en première instance, elle obtient gain de cause en appel : en l’absence de base factuelle suffisante, l’auteur du tract n’a pas procédé à une enquête sérieuse sur le parcours universitaire et sur la carrière à la mairie de la plaignante. En répression l’opposante est condamnée à 1000 euros d’amende.

Dans un arrêt publié au bulletin de la chambre criminelle, la Cour de cassation confirme cette condamnation :

"la cour d’appel a justifié sa décision dès lors que les propos en cause, même s’ils concernaient un sujet d’intérêt général relatif à la gestion des emplois municipaux et aux conditions de la promotion accordée par un maire à l’un de ses proches parents au sein du personnel municipal, étaient dépourvus de base factuelle suffisante en l’absence d’élément accréditant le fait que Mme C... aurait été privilégiée par rapport à d’autres candidats à ces fonctions répondant à des critères de compétence, de diplôme et d’ancienneté équivalents."

En somme le seul lien de parenté entre l’élu et la fonctionnaire promue ne suffit pas : encore faut-il démontrer que l’intéressée ait été privilégiée par rapport aux autres agents à compétences, diplômes et ancienneté équivalents.

Reste à savoir si la chambre criminelle de la Cour de cassation aurait eu la même approche si l’élu avait été poursuivi du chef de prise illégale d’intérêts. Rien n’est moins sûr, tant la notion "d’intérêt quelconque" visée par le texte est large, incluant ainsi un intérêt moral ou familial. A suivre...

Cour de cassation, chambre criminelle, 20 octobre 2015, N° 14-82587