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La jurisprudence de la semaine du 8 au 12 juin 2015

Dernière mise à jour le 02/09/2015

Assainissement | Ecoles | Hygiène et sécurité au travail | Urbanisme

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Assainissement

 Une commune peut-elle décider de privilégier l’extension de son réseau d’assainissement en direction d’un quartier plutôt que d’un autre ?

Oui dès lors qu’une telle décision n’est pas de nature à révéler, par elle-même, une rupture d’égalité, la propriété du requérant n’étant pas dans une situation identique aux propriétés bénéficiant de l’extension du réseau d’assainissement. Ainsi le maire était fondé, dans les circonstances de l’espèce, à refuser l’extension du réseau d’assainissement communal jusqu’à la propriété du requérant pour des motifs financiers, compte tenu de l’importance des travaux à réaliser au regard du faible nombre d’habitations pouvant être desservies dans ce secteur.

Conseil d’État, 8 juin 2015, N° 362783


Ecoles

 Les arbres fruitiers ont-il droit de cité dans les cours d’école ?

Oui : la présence d’arbres fruitiers dans la cour de récréation, ne constitue pas un danger particulier ni ne révèle un défaut d’aménagement ou d’entretien de l’ouvrage public communal. Peu importe que le directeur de l’école ait demandé l’abattage des arbres. Ainsi la responsabilité de la collectivité ne saurait être engagée à raison de la seule présence de ces arbres. En revanche un défaut de surveillance est, en l’espèce, retenu : si l’effectif des agents municipaux chargés de la surveillance de la cour était suffisant (onze agents, dont quatre à proximité du lieu de l’accident), ceux-ci n’ont pas correctement assuré cette surveillance alors qu’ils étaient avertis de ce que les élèves avaient l’habitude de ramasser des fruits pour les lancer. En l’espèce, pendant la pause méridienne, un élève de huit ans avait été grièvement blessé à l’œil par un jet de badame [2] par un autre élève de onze ans. Ce dernier avait été poursuivi pénalement mais relaxé par le tribunal pour enfants. Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions(FGVI), après avoir indemnisé la victime, se retourne contre la commune et obtient le remboursement de 50 471,68 euros versés. Peu importe que les surveillants soient intervenus à deux reprises auprès des enfants pour leur demander d’arrêter de jeter les fruits tombés de l’arbre, les juges leur reprochant de n’avoir pas pas su empêcher un geste qui était prévisible. En somme, un défaut d’autorité du personnel encadrant peu engager la responsabilité de la collectivité.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 8 juin 2015, n° 14BX01234


 Peut-on interdire, au nom du principe de laïcité, le port du voile à une mère d’élève qui accompagne une sortie scolaire ?

Non : les parents d’élèves autorisés à accompagner les sorties scolaires sont en effet des usagers du service public de l’éducation non soumis au devoir de neutralité religieuse en l’absence de dispositions législatives spécifiques. Seules des considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service peuvent, au cas par cas, être invoquées. Le tribunal administratif de Nice reprend ici les conclusions exprimées par le Conseil d’Etat dans une étude commandée par le Défenseur des droits en 2013. Dans une circulaire du 27 mars 2012 (dite circulaire Chatel), le ministère de l’éducation de l’époque avait pris une position radicalement différente considérant que les principes de laïcité de l’enseignement et de neutralité du service public permettaient d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. Tirant les enseignements de l’étude du Conseil d’Etat, la nouvelle ministre de l’éducation nationale a déclaré en octobre 2014, lors de son audition par l’Observatoire de la laïcité, que l’acceptation de la présence des mères voilées aux sorties scolaires devait être la règle et le refus l’exception.

Tribunal administratif de Nice, 9 juin 2015, n° 1305386


 Un conducteur de travaux peut-il être déclaré pénalement responsable de l’ignorance par le chef de chantier de ses obligations ?

Oui : commet ainsi une faute caractérisée, un conducteur de travaux, qui omet de prendre les mesures de nature à permettre au chef de chantier de s’acquitter de ses fonctions, d’établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé définissant les risques encourus et les moyens de les prévenir, et d’organiser une formation adaptée aux spécificités du chantier. En l’espèce un maçon-coffreur intérimaire, mis à la disposition d’une société, et occupé sur un chantier d’édification de logements, a été victime d’un accident mortel causé par l’effondrement d’un mur préfabriqué survenu du fait de l’enlèvement prématuré d’étais par un ouvrier.

L’arrêt retient que les étais ont été enlevés prématurément avant le coulage du plancher supérieur et que le chef de chantier a affirmé qu’il ignorait que cette opération ne pouvait être, ainsi que le prescrit l’article R. 4534-103 du code du travail, effectuée que sur son ordre et sous son contrôle. Les juges relèvent que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS), dont le conducteur de travaux était l’auteur, ne rappelait pas cette obligation, et si ce document mentionnait que l’enlèvement des étais devait intervenir une fois la charpente posée, il ne comportait aucune précision sur la conduite à tenir s’agissant des élévations intermédiaires. Ils ajoutent que les imprécisions de ce plan n’ont pas permis aux ouvriers d’avoir la connaissance des règles spécifiques de sécurité qui aurait permis à l’ouvrier en cause d’adopter la conduite adéquate et de ne pas procéder à l’enlèvement des étais, même si un tel ordre lui avait été donné ; que les juges mentionnent encore que les actions de formation dispensées n’ont pas porté spécialement sur les conditions d’enlèvement des étais et précisent que l’action de l’ouvrier découle directement de ce défaut de formation sur les risques spécifiques liés à la mise en œuvre d’éléments préfabriqués lourds. Le conduction de travaux est ainsi condamné pour homicide involontaire à un an d’emprisonnement avec sursis et sa employeur à 40 000 euros d’amende.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2015, N°14-86469


Urbanisme

 L’auteur d’un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire doit-il apporter la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque pour que sa requête soit recevable ?

Non : il résulte des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient ensuite au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient enfin au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

Conseil d’État, 10 juin 2015, N° 386121


[1Photo : © Treenabeena

[2Fruit à coque dure du badamier, espèce très commune à La Réunion.