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Marchés publics d’assurance : pas de couverture avant la notification du marché

Conseil d’État, 22 mai 2015, N° 383596

Un marché public d’assurance peut-il prendre effet avant d’avoir été notifié ?

En principe non : les marchés publics doivent être notifiés avant tout commencement d’exécution. Y compris les marchés publics d’assurance. Pour autant une telle illégalité n’est pas d’une gravité suffisante pour que le juge administratif, saisi d’un litige relatif à un refus de garantie opposé par l’assureur, écarte systématiquement le contrat en pareille situation. Pour apprécier le caractère de la gravité de l’illégalité invoquée, le juge apprécie en effet au cas par cas si le consentement des parties a été vicié ou non. Pour éviter toute contestation, il reste bien entendu préférable de notifier le marché avant la date de prise d’effet prévue au contrat. En l’espèce l’assureur tous risque chantier d’un syndicat intercommunal avait décliné sa garantie en invoquant la nullité du contrat. Si le Conseil d’Etat approuve les juges d’appel d’avoir appliquer le contrat malgré la clause prévoyant une application du marché avant sa notification, il leur reproche en revanche de ne pas avoir répondu au moyen de nullité résultant de la modification du programme des travaux couverts décidée sans en informer les candidats au marché d’assurance. Il appartiendra à la cour administrative d’appel de renvoi de se prononcer sur la gravité de cette irrégularité pour écarter ou non le contrat. Rappelons que l’assuré est aussi tenu de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence d’aggraver les risques ou d’en créer de nouveaux. A défaut l’assureur est en droit soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime et ce, même si le marché public d’assurance ne prévoit pas de clauses en ce sens.

Un syndicat intercommunal pour les transports urbains souscrit, en sa qualité de maître d’ouvrage, un contrat d’assurances " tous risques chantiers " aux fins de garantir les éventuels sinistres affectant le programme de construction de la première ligne de tramway de l’agglomération.

Deux ans plus tard, un sinistre survient sur le chantier : les remblais d’un giratoire routier s’affaissent après la pose d’un tronçon de voie ferrée le traversant perpendiculairement. La facture s’élève à plus d’un million d’euros...

Mais l’assureur décline sa garantie en invoquant la nullité du contrat en raison de plusieurs vices l’affectant [1]. Le syndicat intercommunal l’assigne devant les juridictions administratives. Débouté en première instance, le syndicat intercommunal obtient gain de cause en appel.

Le pourvoi de l’assureur donne l’occasion au Conseil d’Etat de rappeler quelques principes :


 "lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat" ;


 "toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel".

Or en l’espèce le contrat stipulait que les garanties seraient acquises avant la signature du marché et sa notification, en violation de l’article 79 du code des marchés publics aux termes duquel "les marchés publics doivent être notifiés avant tout commencement d’exécution ".

Il appartenait ainsi au juge de se prononcer sur la gravité de cette irrégularité pour écarter ou non le contrat d’assurance. Sur ce point le Conseil d’Etat approuve les juges d’appel d’avoir considéré que l’irrégularité commise n’était pas d’une gravité suffisante pour justifier que l’application de ce contrat fût écarté. Notamment parce que le consentement des parties n’a pas été vicié.

Ce qui ne signifie pas pour autant que le refus de garantie opposé par l’assureur soit injustifié. En effet les juges d’appel n’ont pas répondu au moyen de nullité du contrat soulevé par ce dernier en raison des modifications apportées avant sa signature par le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre. Les juges d’appel auraient dû rechercher si l’erreur sur la substance des travaux assurés par le contrat litigieux, résultant de la modification de leur programme décidée sans en informer les candidats au marché d’assurance, caractérisait un vice du consentement d’une gravité telle qu’il justifiait que le contrat soit écarté et le litige réglé sur un autre terrain. Il appartiendra à la cour administrative d’appel de renvoi de se prononcer sur ce point.

Conseil d’État, 22 mai 2015, N° 383596

[1En raison, d’une part, d’un clause du contrat prévoyant une date de prise d’effet antérieure à la notification du marché et, d’autre part, des modifications apportées par le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre, avant sa signature, au programme des travaux que le contrat d’assurance devait couvrir.