Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Saisonniers et inéligibilité

Conseil d’Etat 28 novembre 2008 N° 317587

Un saisonnier d’une station de ski est-il frappé d’inéligibilité dans la commune qui l’emploie ? Le président d’un bureau de vote peut-il intenter un recours contre l’élection s’il n’a pas fait d’observations au procès-verbal relativement à l’inéligibilité d’un candidat ?


 [1]

Un contrôleur des remontées mécaniques employé saisonnier d’une régie municipale d’une station de ski du Vercors (1500 habitants) est élu conseiller municipal. Il démissionne aussitôt de ses fonctions professionnelles. Trop tard ... Une adjointe de l’équipe sortante non reconduite intente un recours contre son élection en invoquant les dispositions de l’article L. 231 du code électoral aux termes duquel "les agents salariés communaux ne peuvent être élus au conseil municipal de la commune qui les emploie".

Le tribunal administratif de Grenoble invalide l’élection de l’agent. Ce dernier exerce un recours devant le Conseil d’Etat en relevant principalement que :

 la requérante n’a pas, "en sa qualité de présidente d’un bureau de vote, formulé sur le procès-verbal des opérations électorales des réserves ou des observations relatives à l’inéligibilité" ;

 le contrat le liant à la municipalité n’avait pas été renouvelé régulièrement.

Le Conseil d’Etat n’en confirme pas moins l’invalidation de son élection :
 Aux termes de l’article L. 248 du code électoral "Tout électeur et tout éligible a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif". Peu importe, dans ces conditions, que la requérante "n’ait pas, en sa qualité de présidente d’un bureau de vote, formulé sur le procès-verbal des opérations électorales des réserves ou des observations relatives à l’inéligibilité de M. B". Le Conseil d’Etat juge tout aussi indifférent que la requérante n’ait pas informé l’agent de ce qu’il risquait d’être frappé d’inéligibilité s’il ne démissionnait pas en temps utile, et qu’elle ait eu, du fait de son mandat, "des facilités pour rassembler à l’appui de sa protestation des documents tendant à démontrer cette inéligibilité".

 Sur le fond l’agent était bien frappé de l’inéligibilité prévue par l’article L. 231 du code électoral dès lors qu’il a été recruté par la régie municipale de la station, laquelle ne dispose pas de personnalité morale. Si le "contrat conclu avec le requérant par le maire, commune de plus de 1 000 habitants, portait sur une durée minimale de dix semaines, débutant le 15 décembre 2007" il prévoyait "la possibilité d’une prolongation au-delà de cette période" en fonction des besoins du service. De fait l’agent ne saurait contester "qu’il occupait cet emploi rémunéré le 16 mars 2008, ainsi qu’il ressort, tant de la lettre du même jour par laquelle le requérant a déclaré se démettre de ses fonctions d’agent salarié de la régie municipale (...) à la suite de son élection en tant que conseiller municipal, que du certificat de travail établi par le maire de la commune". Peu importe que « le contrat le liant à la régie n’aurait pas été régulièrement renouvelé ».

[1Photo : © Philippe Minisini