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Apologie du terrorisme dans une école maternelle : la commune irrecevable à se constituer partie civile

Cour de cassation, chambre criminelle, 17 mars 2015, N° 13-87358

Une commune peut-elle se constituer partie civile si un enfant scolarisé dans école maternelle a été instrumentalisé par des adultes pour faire l’apologie du terrorisme ?

Non : seules les personnes qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction peuvent se constituer partie civile. Tel n’est pas le cas de la collectivité pour des faits d’apologie du terrorisme commis par la mère et l’oncle d’un enfant scolarisé dans la commune en lui revêtant un tee shirt portant des mentions valorisant les attentats du 11 septembre. Il existe un certain nombre de dérogations à ce principe mais elles sont limitativement énumérées par les textes. Ainsi une collectivité peut se constituer partie civile lorsqu’un élu ou un agent est agressé, bien qu’elle ne soit pas la victime directe de l’infraction. Mais même dans cette hypothèse, la commune ne peut pas agir par voie d’action pour réclamer des dommages-intérêts puisque ce n’est pas elle qui a personnellement souffert de l’infraction : si, en vertu de la loi du 11 juillet 1983, la collectivité est subrogée dans les droits de la victime qu’elle a indemnisée, y compris par voie de constitution de partie civile, c’est à la condition que l’action publique ait été préalablement engagée par le ministère public ou par la victime directe de l’infraction (l’élu ou l’agent agressé).

En septembre 2012, la directrice d’une école maternelle de Sorgues (Vaucluse) constate en rhabillant un enfant qu’il porte un tee-shirt avec les inscriptions suivantes : " Z..., né le 11 septembre ", et : " Je suis une bombe "...

Elle signale aussitôt ces faits à l’inspection académique et au maire, lequel saisit le procureur de la République. L’enquête établit que ce vêtement a été offert à l’enfant par son oncle maternel à l’occasion de son anniversaire. La mère et l’oncle de l’enfant sont cités devant le tribunal correctionnel du chef d’apologie de crimes, au visa de l’article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881. Ils sont relaxés en première instance mais condamnés en appel, ce que confirme la Cour de cassation :

 les différentes mentions inscrites de part et d’autre du vêtement, ne peuvent être dissociées, s’agissant d’un unique support ;

 l’association délibérée de ces termes renvoie, pour toute personne qui en prend connaissance, au meurtre de masse commis le 11 septembre 2001 ;

 l’insistance de l’oncle de l’enfant auprès de la mère pour qu’elle en revête celui-ci lorsqu’elle l’enverrait à l’école, lieu public par destination, traduisent sa volonté, non de faire une plaisanterie, comme il le soutient, mais de présenter sous un jour favorable les crimes évoqués, auprès des personnes qui, dans l’enceinte de l’établissement scolaire, seraient amenées à voir ce vêtement.

Et les juges d’en conclure "que les faits reprochés au prévenu, qui ont dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression, au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que M. X... a utilisé un très jeune enfant comme support d’un jugement bienveillant sur des actes criminels, caractérisent le délit d’apologie de crime visé par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881".

En revanche la Cour de cassation annule les dispositions de l’arrêt recevant la constitution de partie civile de la ville. En effet l’action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit appartient uniquement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Or le délit d’apologie de crime ne peut occasionner pour une commune un préjudice personnel et direct né de l’infraction.

Cour de cassation, chambre criminelle, 17 mars 2015, N° 13-87358