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Cumul d’activités : même illégale, une suspension de traitement ne libère pas le fonctionnaire de ses obligations

Conseil d’Etat, 6 mars 2015, N° 369857

Un fonctionnaire privé de traitement, faute d’avoir été régulièrement réintégré à l’expiration d’une mesure de contrôle judiciaire, peut-il librement exercer une activité privée lucrative ?

Non dès lors qu’il reste en position d’activité. Il en résulte que si, à l’issue du contrôle judiciaire, l’administration doit régulariser la situation de l’intéressé sans pouvoir se prévaloir de l’absence du service fait pour suspendre le versement du traitement à l’intéressé, elle peut en revanche valablement opposer à l’agent le fait qu’il se soit procuré des revenus professionnels en exerçant, en méconnaissance des dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, une activité privée lucrative pendant la période au cours de laquelle, il a été irrégulièrement laissé sans affectation.

Un fonctionnaire [1] est placé, en août 1999, sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rendre sur son lieu de travail. Son administration interrompt son traitement pour absence de service fait. En 2003, l’intéressé est finalement condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis.

L’agent demande en vain à être réintégré. Pendant trois ans il continue cependant d’être rémunéré sans recevoir d’affectation. En mars 2006, son traitement est finalement suspendu jusqu’à sa mise à la retraite pour invalidité un an plus tard.

En avril 2011, le Conseil d’Etat, annule la mesure de suspension du traitement : le fait que le fonctionnaire n’ait pas exercé, postérieurement à la fin de la mesure de contrôle judiciaire, ses fonctions ne lui est pas imputable mais résulte de la méconnaissance, par l’administration, de son obligation de placer ses agents dans une situation régulière. Ainsi son administration ne pouvait se prévaloir de l’absence du service fait pour suspendre le versement du traitement.

L’administration régularise la situation et verse à l’intéressé une somme de 39 400,88 euros correspondant au montant des traitements qu’il aurait dû percevoir entre le 10 mars 2006 et le 13 avril 2007. Mais, deux mois plus tard, l’employeur revient finalement sur sa position reprochant à l’intéressé d’avoir sur cette même période tiré des revenus d’une activité professionnelle privée...

Le tribunal administratif, invoquant l’autorité de la chose jugée, annule ce retrait et condamne l’établissement à verser l’intégralité du traitement dû au titre de la période en cause. Le Conseil d’Etat confirme que l’autorité de la chose jugée faisait effectivement obstacle à ce que l’administration puisse à nouveau invoquer l’absence de service fait pour refuser de verser à l’agent les sommes qu’il aurait dû percevoir au titre de son traitement.

Mais pour autant, l’autorité de la chose jugée n’interdisait pas l’administration d’opposer à l’intéressé le fait qu’il s’était procuré des revenus professionnels en exerçant, en méconnaissance des dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, une activité privée pendant la période au cours de laquelle, il avait été laissé sans affectation. En effet il n’en restait pas moins durant cette période en position d’activité. Dans ces circonstances l’administration est donc tenue de procéder à une retenue sur son traitement à concurrence des sommes indument perçues :

"en excluant par principe que l’administration puisse se fonder sur une telle circonstance, alors qu’il lui appartenait de rechercher si l’intéressé était effectivement dans une situation pouvant ainsi justifier une retenue sur son traitement, le tribunal administratif de Toulon a entaché son jugement d’une erreur de droit qui doit en entraîner l’annulation".

Conseil d’Etat, 6 mars 2015, N° 369857

 [2]

[1Directeur adjoint d’un centre hospitalier.

[2Photo : © Helder Almeida