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Favoritisme dans un marché public de rénovation du réseau d’assainissement : la responsabilité du DST engagée, celle de la collectivité écartée

Tribunal correctionnel de Bobigny, 22 mars 2011, N°08062244

Une commune peut-elle engager sa responsabilité pénale en qualité de personne morale du chef de favoritisme dans le cadre de l’attribution d’un marché public ?

Non répond le tribunal correctionnel de Bobigny dès lors que l’organisation et l’élaboration d’une procédure d’appel d’offres ne peut faire l’objet d’une délégation de service public. Or selon l’article L121-2 du code pénal les collectivités territoriales ne peuvent être pénalement responsables que des seules infractions commises à l’occasion d’activités susceptibles d’une délégation de service public. En outre l’article 432-14 du code pénal réprimant le délit de favoritisme vise limitativement les personnes susceptibles d’être poursuivies et les collectivités territoriales ne font pas partie de cette liste. Est en revanche retenue la responsabilité pénale du directeur des services techniques de la commune. Il lui est reproché d’avoir, dans un marché d’entretien et de réhabilitation du réseau d’assainissement de la commune, permis à deux candidats sur trois, sous couvert de demandes de précisions, de rectifier leur offre initiale (réduction des délais d’intervention en cas d’urgence). Il est condamné à 5000 euros d’amende sans inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire.

En septembre 2006, une commune attribue un marché public de réhabilitation et d’entretien de son réseau d’assainissement à un groupement d’entreprises. Un membre de la commission d’appel d’offres, par ailleurs président du groupe d’opposition à la majorité municipale, dénonce les conditions d’attribution à la préfecture laquelle saisit la mission interministérielle d’enquête sur les marchés publics (MIEM).

La commune (ville de 50000 habitants) et le directeur des services techniques sont poursuivis du chef de favoritisme. La première est relaxée, le second est condamné.

Relaxe de la commune

Le tribunal relève que l’organisation et l’élaboration d’une procédure d’appel d’offres ne peut faire l’objet d’une délégation de service public. Or selon l’article L121-2 du code pénal les collectivités territoriales ne peuvent être pénalement responsables que des seules infractions commises à l’occasion d’activités susceptibles d’une délégation de service public. En outre, poursuit le tribunal, l’article 432-14 du code pénal réprimant le délit de favoritisme vise limitativement les personnes susceptibles de commettre l’infraction au rang desquelles ne figurent pas les collectivités territoriales.

Condamnation du DST

En revanche le directeur des services techniques est condamné à 5000 euros d’amende (mais sans inscription au bulletin n°2 de son casier judiciaire). Il lui est reproché d’avoir pris l’initiative de prendre contact avec deux candidats (dont celui qui sera finalement retenu) pour leur demander des précisions sur leurs délais d’intervention sur le réseau en cas d’urgence. Les deux entreprises avaient ainsi pu modifier leur offre initiale, alors que le troisième candidat n’avait pas été sollicité. Le tribunal retient la culpabilité du DST : si l’article 59 du code des marchés publics, dans sa version applicable au moment des faits, rend possible une demande de précision aux candidats, c’est à la condition qu’une telle demande ne s’apparente pas à des négociations. Ainsi la prise en compte de données nouvelles, établies à la demande du prévenu alors que de surcroît le troisième candidat n’a pas eu la même opportunité, est constitutive du délit de favoritisme.

En revanche, les entreprises qui avaient ainsi pu modifier leur offre, sont relaxées du chef de recel de favoritisme le tribunal estimant qu’aucun élément ne permettait d’établir leur connaissance de la rupture d’égalité de traitement des candidats à leur profit.

Tribunal correctionnel de Bobigny, 22 mars 2011, N°08062244