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La jurisprudence de la semaine du 2 au 6 février 2015

Conseil municipal / Elections / Fonction publique / Hygiène et sécurité au travail / Responsabilité / Travaux et ouvrages publics

(dernière mise à jour le 24/03/2015)

Conseil municipal

 Un conseiller municipal peut-il exercer un recours contre le recrutement d’un collaborateur de cabinet du maire qu’il estime trop payé ?

Oui : les membres de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour contester, devant le juge de l’excès de pouvoir, les contrats de recrutement d’agents non titulaires par la collectivité ou le groupement de collectivités concerné. Eu égard aux intérêts dont ils ont la charge, ils peuvent invoquer tout moyen à l’appui d’un recours contre de tels contrats de recrutement. Or l’autorité territoriale ne peut attribuer à un collaborateur de cabinet un traitement indiciaire supérieur à 90% du traitement indiciaire correspondant à l’indice terminal de rémunération du fonctionnaire occupant l’emploi administratif fonctionnel de direction le plus élevé de la collectivité ou de l’établissement public ou, à défaut, du fonctionnaire en fonction dans la collectivité ou l’établissement public ayant le grade le plus élevé. Sont ainsi illégales les clauses d’un contrat de recrutement d’un collaborateur de cabinet relatives à sa rémunération dès lors que le traitement indiciaire qui lui est attribué excède cette limite.

Conseil d’État, 2 février 2015, N° 373520

Elections

 Le directeur d’un centre de gestion peut-il être élu au conseil municipal d’une commune relevant de son ressort ?

Oui dès que lors que les centre de gestion ne peuvent assimilés ni
à des établissements publics du département (l’adhésion des départements n’étant que facultative), ni à une entreprise de services municipaux.

Conseil d’État, 4 février 2015, N° 382969

 La circonstance que le consentement de plusieurs candidats à figurer sur une liste ait été obtenu par l’effet de manœuvres (les trompant sur la réalité des soutiens dont disposait cette liste) est-elle de nature à annuler le scrutin ?

Oui si eu égard aux résultats des opérations électorales, ces manœuvres ont altéré la sincérité du scrutin dans son ensemble. Tel est jugé le cas en l’espèce eu égard au nombre de voix obtenues par la liste litigieuse et aux écarts de voix entre les trois autres listes présentes au second tour. Ce d’autant que l’inscription de deux candidates résultait de déclarations de candidatures qui n’avaient pas été signées de leur main ou avaient été utilisées contre leur volonté...

Conseil d’État, 4 février 2015, N° 385555

 Le chef d’un groupement territorial du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) est-il éligible au conseil municipal d’une commune où il exerce ses fonctions ?

Oui dès lors que les services départementaux d’incendie et de secours, qui associent pour la gestion et la mise en œuvre des moyens au niveau local les communes au département et aux établissements publics de coopération intercommunale, ne sont pas seulement rattachés à des collectivités ou établissements mentionnés au 8° de l’article L. 231 du code électoral. En outre, ils ne sont pas créés par le département ou à sa demande mais par la loi, dans chaque département. Ainsi les SDIS ne peuvent être regardés comme des établissements publics du département au sens et pour l’application du 8° de l’article L. 231 du code électoral.

Conseil d’État, 4 février 2015, N° 383019

Fonction publique

 Des mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire d’un agent contractuel condamné pénalement justifient-elles automatiquement un licenciement ?

Non : l’administration doit apprécier si ces mentions sont incompatibles avec l’exercice des fonctions de l’agent. Pour ce faire l’administration doit prendre en compte, d’une part, l’objet des mentions en cause et l’ensemble des motifs de la condamnation pénale dont l’agent a fait l’objet, d’autre part, les caractéristiques des fonctions qu’il exerce. En l’espèce, le Conseil d’Etat juge irrégulier le licenciement d’un agent d’entretien (recruté en CDI après avoir bénéficié de plusieurs CDD successifs, ce qui avait conduit l’administration à demander un B2 du casier judiciaire) condamné à une peine de trente mois d’emprisonnement avec sursis pour complicité de trafic de stupéfiants. Rappelons néanmoins que si une peine de privation des droits civiques est prononcée par le juge, celle-ci entraîne la perte de la qualité de fonctionnaire, l’administration étant alors tenue de radier l’agent des effectifs.

Conseil d’État, 4 février 2015, N° 367724

 Le reclassement d’un fonctionnaire, moins de 6 mois avant son départ à la retraite, dans un nouveau grade ou échelon peut-il jouer sur le calcul de la pension s’il est prévu une reprise d’ancienneté ?

Non dès lors que l’ancienneté ainsi reprise n’équivaut pas à une détention effective du nouveau grade ou échelon au sens des dispositions de l’article 17 du décret du 26 décembre 2003 (le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation par le traitement soumis à retenue afférent à l’indice correspondant à l’emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite). Il en est de même des services accomplis dans le grade détenu avant l’entrée en vigueur d’une réforme statutaire. En effet s’ils sont assimilés à des services accomplis dans le nouveau grade, cette assimilation a pour but de garantir la continuité de la carrière des agents en permettant notamment la prise en compte de ces services au titre de la promotion ou de l’avancement des agents. A caractère uniquement statutaire, cette assimilation est donc sans incidence sur le régime des pensions de retraite de l’intéressé.

Conseil d’État, 4 février 2015, N° 375181

 Le temps d’habillage et de déshabillage consacré par un fonctionnaire tenu de porter un uniforme est-il considéré comme du temps de travail effectif ?

Non, le temps qu’un fonctionnaire tenu de porter un uniforme consacre à son habillage et son déshabillage ne peut être regardé, alors même que ces opérations sont effectuées sur le lieu de travail, comme un temps de travail effectif au sens de l’article 2 du décret du 25 août 2000, dès lors qu’il s’agit d’un temps au cours duquel le fonctionnaire se met en état de prendre son service sans pouvoir encore se conformer aux directives de ses supérieurs. Dès lors, cette obligation liée au travail, au sens de l’article 9 du même décret, ne peut ouvrir droit à rémunération ou à compensation. Cette décision concernant un policier national peut être transposée à tout agent de la fonction publique. En effet la durée du travail effectif s’entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Conseil d’Etat, 4 février 2015, N° 366269

Hygiène et sécurité au travail

 Un salarié victime d’une mauvaise chute lors d’une intervention chez un client peut-il invoquer une infraction résultant d’un manquement de ce client aux règles de sécurité et saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir le versement d’une indemnité provisionnelle ?

Oui : les dispositions propres à l’indemnisation des victimes d’infractions sont applicables aux victimes d’un accident du travail imputable à la faute d’un tiers. Ainsi un intérimaire qui a effectué une chute dans les escaliers en procédant à une livraison chez un client de la société utilisatrice, peut invoquer une infraction résultant d’un manquement de ce client aux règles de sécurité, et saisir une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir le versement d’une indemnité provisionnelle et la désignation d’un expert.

Cour de cassation, chambre civile 2, 5 février 2015, N° 13-11945

Responsabilité

 Une commune peut-elle être tenue responsable de l’accident survenu à des administrés qui se sont spontanément proposés d’élaguer des arbres communaux en échange de la conservation du bois coupé pour leur usage personnel ?

Oui, la responsabilité de la commune peut être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute à l’égard des collaborateurs occasionnels du service public. La circonstance que la commune ait autorisé les bénévoles à conserver le bois coupé pour leur usage personnel ne fait pas d’eux des usagers et ne leur enlève pas la qualité de collaborateurs occasionnels du service public. La responsabilité sans faute de la commune est par conséquent engagée, celle-ci ne pouvant par ailleurs se prévaloir de l’acceptation du risque par la victime. En revanche, la faute d’imprudence des victimes, qui n’avaient pas les habilitations requises pour l’utilisation de la nacelle et qui n’ont pas respecté les règles élémentaires de sécurité, exonère partiellement la collectivité. L’appel en garantie de la société propriétaire de l’engin de levage est rejeté par le tribunal, aucune faute ne pouvant lui être imputée.

Cour administrative d’appel de Douai, 3 février 2015, n° 13DA01456Cour administrative d’appel de Douai, 3 février 2015, N° 13DA01434

 Un usager qui s’est blessé en escaladant une grille clôturant un terrain de football sur lequel il jouait sans autorisation peut-il engager la responsabilité de la commune alors qu’il existait des portes aménagées lui permettant de récupérer sans risque le ballon projeté hors des limites de l’enceinte sportive ?

Non en escaladant une grille de 2,5 m de hauteur, l’intéressé n’a pas fait un usage normal de l’ouvrage public et a provoqué, par sa seule imprudence, l’accident dont il a été victime (son doigt s’étant sectionné après que sa bague se soit coincée dans le grillage). Il lui appartenait d’utiliser les portes aménagées pour récupérer sans risque son ballon projeté hors des limites du terrain. Il doit ainsi assumer seul les conséquences de son imprudence sans pouvoir se prévaloir d’une faute commise par le maire dans l’exercice de son pouvoir de police. Doit être ainsi annulé le jugement déclarant la commune responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables de l’accident.

Cour administrative d’appel de Marseille, 5 février 2015, N° 13MA03128

Travaux et ouvrages publics

 Une commune peut-elle être responsable de l’effondrement partiel d’un mur d’enceinte d’une propriété privée causé par un ruissellement des eaux ?

Oui si l’effondrement partiel du mur d’enceinte est imputable à l’action, à sa base, des eaux de ruissellement qui proviennent de la voie communale, en l’absence de caniveaux, de bordures de trottoirs et du fait de la suppression par la collectivité du talus qui existait antérieurement sur le domaine public entre la chaussée et le mur, lui servant de soutien. Ces ouvrages ont le caractère d’ouvrage public à l’égard desquels le propriétaire du mur a la qualité de tiers. Il est donc en droit de rechercher la responsabilité sans faute de la commune, maître d’ouvrage. La responsabilité de la commune est cependant atténuée d’un quart, le propriétaire n’ayant pas entretenu le mur depuis de nombreuses années, aggravant ainsi sa vulnérabilité.

Cour administrative d’appel de Douai, 3 février 2015, N° 13DA01489

 Une commune peut-elle être tenue responsable de la chute d’un muret dans une cour d’école sous la pression d’enfants ?

Oui dès lors que le descellement et l’effondrement du muret [1] sous la poussée exercée par des enfants de six à dix ans est de nature à caractériser un défaut d’entretien normal de l’ouvrage. Toutefois, le fait pour la victime (une enfant de sept ans blessée au tibia) de jouer avec d’autres enfants à secouer le muret, alors qu’ils avaient constaté que celui-ci bougeait légèrement, constitue un usage anormal de l’ouvrage de nature à exonérer la commune de la moitié de sa responsabilité. S’agissant d’une responsabilité à l’égard d’un usager pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage, la commune ne peut s’exonérer en tentant d’invoquer le fait du tiers, en l’espèce les manquements des parents à leur obligation d’éducation, des enseignants à leur obligation de surveillance des élèves pendant la récréation, ou encore de la direction de l’école à son obligation de signalement des dysfonctionnements relevés dans l’établissement.

Tribunal administratif de Toulouse, 3 février 2015, N° 1102969


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[1de 1,80m de longueur, 30 cm de largeur et 60 cm de hauteur.

[2Photo : © Treenabeena