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Tentative de suicide d’un agent sur le lieu de travail : l’imputabilité au service n’est pas automatique

Conseil d’État, 24 octobre 2014, N° 362723

Toute tentative de suicide sur le lieu de travail est-elle nécessairement imputable au service ?

Non. Tel n’est pas le cas si la pathologie dépressive de l’agent trouve son origine dans sa personnalité et s’est manifestée avant les difficultés professionnelles invoquées. Peu importe que ces dernières aient pu favoriser le passage à l’acte. N’est ainsi pas imputable au service, la tentative de suicide d’une fonctionnaire municipale sur son lieu de travail après qu’un retard à prendre son service lui eut été reproché.

Une fonctionnaire municipale (commune de 7500 habitants) tente de mettre fin à ses jours par ingestion médicamenteuse sur son lieu de travail après qu’un retard à prendre son service lui eut été reproché. Après six semaines d’arrêt de travail, elle reprend son service au sein du syndicat intercommunal d’équipements publics auprès duquel elle était détachée. Quatre mois après sa reprise, elle est de nouveau placée en arrêt de travail en raison de difficultés psychologiques sévères.

Le président du syndicat intercommunal la place d’abord en congé de maladie ordinaire, puis en indisponibilité d’office dans l’attente de sa réintégration dans les services de la commune, l’intéressée ayant été déclarée inapte à reprendre son poste au terme de son arrêt de travail.

Le tribunal administratif de Grenoble annule ces deux arrêtés et enjoint au syndicat intercommunal de placer rétroactivement l’agent dans une position statutaire régulière et de procéder à la reconstitution de sa carrière. Le tribunal relève en effet que la tentative de suicide s’est produite sur le lieu de travail de l’intéressée, après qu’un retard à prendre son service lui eut été reproché, et qu’elle a travaillé sous les ordres d’une responsable avec laquelle existait une incompatibilité d’humeur, avant de faire l’objet d’un détachement auprès du syndicat intercommunal, son changement d’affectation ayant été ressenti par elle comme une profonde dévalorisation professionnelle.

Sur pourvoi du syndicat, le Conseil d’Etat censure une telle analyse : il ressort en effet des rapports d’expertise médicale établis à la demande de la commission de réforme et versés au dossier du tribunal que la "pathologie dépressive de l’intéressée, si elle a pu être favorisée par certaines conditions de son activité professionnelle, s’était déjà manifestée précédemment et trouvait son origine dans sa personnalité".

Ainsi en jugeant néanmoins que la pathologie dont souffrait l’agent devait être regardée comme étant imputable au service, alors que le dossier qui lui était soumis ne faisait apparaître aucune circonstance particulière, tenant à ses conditions de travail, susceptible de l’avoir occasionnée, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de la cause.

Conseil d’État, 24 octobre 2014, N° 362723

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[1Photo : © Ba Tu