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Pressions exercées par un maire contre le directeur général des services : faute personnelle détachable du service

Tribunal des conflits, 19 mai 2014, N° 14-03939

Un maire qui exerce des pressions sur son DGS pour le dissuader de témoigner dans un procès commet-il une faute personnelle détachable du service ?

Oui : eu égard à sa gravité et aux objectifs purement personnels poursuivis par l’élu, une telle faute est détachable du service. Les juridictions judiciaires sont donc compétentes pour condamner l’élu à indemniser la victime sur ses deniers personnels. Pour autant cette faute, commise dans l’exercice des fonctions de l’élu, n’est pas dépourvue de tout lien avec le service. Le DGS est donc fondé à actionner la responsabilité de la collectivité, à charge pour cette dernière d’exercer une action récursoire contre l’élu fautif.

Un agent d’une commune (4500 habitants) porte plainte contre le maire pour harcèlement moral. Pour dissuader la directrice générale des services (DGS) de témoigner contre lui, le maire conclut avec elle un protocole transactionnel aux termes duquel il s’engage à ne pas la décharger de ses fonctions jusqu’aux prochaines élections en échange de son silence : la DGS s’engage à préparer le budget communal en s’abstenant de presque tout contact avec le personnel communal, à n’avoir aucun contact avec les candidats à l’élection municipale et à ne pas témoigner contre le maire...

Mais la directrice ne se laisse pas intimider et porte plainte contre le maire pour subornation de témoin. De fait le maire est condamné de ce chef au pénal par le tribunal correctionnel, ce que confirme la cour d’appel d’Aix-en-Provence. En revanche alors que le maire avait été condamné à indemniser sur ses deniers personnels la plaignante par le tribunal, la cour d’appel se déclare sur ce point incompétente estimant que le maire n’a pas commis de faute personnelle.

Les juridictions administratives se déclarant tout aussi incompétentes pour condamner la commune, le litige est porté devant le Tribunal des conflits. Ce dernier tranche en faveur de la compétence des juridictions judiciaires estimant que le maire a commis une faute personnelle détachable du service :

"eu égard à sa gravité et aux objectifs purement personnels poursuivis par son auteur, la faute commise par le maire de la commune (...) doit être regardée comme une faute personnelle détachable du service".

Les juridictions judiciaires sont donc bien compétentes pour connaître de la demande d’indemnisation présentée par la plaignante. Pour autant la faute a été commise par le maire à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et n’est donc pas dépourvue de tout lien avec le service. La directrice générale des services "ne saurait dès lors être privée de la possibilité de poursuivre, devant la juridiction administrative, la responsabilité de la commune". A charge pour cette dernière de se retourner contre l’élu fautif.

Tribunal des conflits, 19 mai 2014, N° 14-03939