Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Le certificat de conformité d’un équipement public n’exonère pas systématiquement la collectivité en cas d’accident

Tribunal administratif d’Amiens, 4 février 2014, n° 1003588

La remise par le fabricant du certificat de conformité d’un équipement (en l’espèce un toboggan aquatique) exonère-t-elle toujours la collectivité en cas d’accident survenu à un usager ?

Non : l’indication erronée et inappropriée du niveau de dangerosité de l’équipement, ainsi que l’imprécision des précautions d’utilisation peuvent être constitutives d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage engageant la responsabilité de la collectivité, s’agissant d’un équipement exigeant une attention particulière, alors même qu’un certificat de conformité a été remis par le fabricant. Une commune et une communauté d’agglomération sont ainsi reconnues coresponsables de l’accident survenu à un usager qui s’est blessé à l’œil lors d’une descente dans un toboggan aquatique dont l’usage aurait dû être réservé à un public initié. La responsabilité est toutefois partagée avec les sociétés appartenant au groupement conjoint de maîtrise d’œuvre qui sont intervenues dans la conception de l’équipement en cause.

Dans un complexe aquatique, un usager se blesse au cours d’une descente dans un toboggan. Par l’effet de la vitesse, son corps opère une rotation à 180 degrés et heurte, par un choc facial violent, la paroi du tube du toboggan. Le port de lunettes de natation aggrave les conséquences de l’accident puisqu’il perd totalement l’usage de son œil gauche.

Il recherche alors la responsabilité solidaire de la commune, de la communauté d’agglomération, ainsi que du fabricant du toboggan. Il leur reproche notamment :

 une classification erronée de l’équipement comme "tout public" alors qu’il s’agit d’un équipement dangereux mis à la disposition du public sans surveillance [1]. En effet les usagers peuvent atteindre une vitesse de 10 à 14 mètres / seconde, ce qui correspond à une catégorie 4 réservée à un public d’initiés et qui doit être signalée par un code rouge [2].

 une absence d’information spécifique des utilisateurs sur le panneau d’affichage relative à l’interdiction du port de lunettes de natation dans le toboggan.

La commune et la communauté d’agglomération soulèvent l’exception d’incompétence du tribunal administratif soutenant que le complexe aquatique constitue un service public industriel et commercial (SPIC). Ce que réfute le tribunal, à défaut d’éléments prouvant que le mode de financement et les modalités d’organisation du centre établissent sa qualité de SPIC. Par ailleurs, la communauté d’agglomération ne conteste pas en être le gestionnaire en régie directe.

Requalifiant d’office le fondement de la responsabilité recherchée pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public (et non pour faute), les juges retiennent la responsabilité solidaire de la commune et de la communauté d’agglomération en leurs qualités respectives de maître d’ouvrage et d’exploitante en régie directe.

En effet, en l’absence de toute faute de l’usager, celles-ci ne rapportent pas la preuve d’un entretien normal de l’ouvrage au vu de l’imprécision des instructions d’utilisation et de la qualification inappropriée du niveau de dangerosité du toboggan, élaborées pourtant par le fabricant.

Appelés en garantie, le fabricant et les sociétés ayant participé à la conception du complexe sportif, sont également condamnés solidairement avec les collectivités :

 le fabricant doit garantir les collectivités à hauteur de 50% de leurs condamnations du fait des vices de conception et de fabrication affectant l’équipement, ainsi que pour défaut d’information du public par le caractère erroné des mentions figurant sur le panneau d’affichage ;

 les sociétés membres du groupement conjoint de maîtrise d’œuvre du complexe sportif sont condamnées à garantir les collectivités à hauteur de 10% chacune au titre du manquement à leur devoir de conseil et de surveillance quant à l’état de l’ouvrage achevé par l’absence de signalement au maître d’ouvrage de la non-conformité.

Tribunal administratif d’Amiens, 4 février 2014, N° 1003588

[1Tunnel fermé d’un diamètre d’un mètre et d’une longueur de 60 mètres avec un dénivelé de 9 mètres et une pente moyenne de 15 %.

[2Et non vert comme cela était le cas en l’espèce.