Un maire peut-il faire déposer un rocher pour interdire l’accès des véhicules à moteur sur une portion de chemin rural régulièrement fréquentée par les randonneurs ?
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Pas si la configuration des lieux n’autorise plus la circulation des véhicules de secours. En l’espèce un maire avait fait poser un rocher pour interdire la circulation des véhicules à moteur sur un chemin de randonnée. Or si l’accès au tronçon du chemin concerné restait possible pour des véhicules à quatre roues de tourisme ou, plus difficilement, pour des véhicules utilitaires légers, y compris une ambulance, il était impossible pour des véhicules de lutte contre l’incendie. La suspension de cette mesure par le juge des référés est donc justifiée. En revanche la gêne occasionnée à un riverain dont la propriété est desservie par ledit chemin ne suffit pas à caractériser une urgence de nature à justifier la suspension de l’arrêté dans sa globalité.
Le maire d’une commune poitevine [2] prend un arrêté interdisant la circulation des véhicules à moteur sur le tronçon d’un chemin rural fréquentée par les randonneurs. L’interdiction ne s’applique pas cependant aux véhicules à usage agricole, aux véhicules de secours ainsi qu’aux "véhicules utilisés pour des missions de service public " et "aux véhicules utilisés à des fins professionnelles de recherche, d’exploitation ou d’entretien des espaces naturels". Pour s’assurer de l’effectivité de la mesure de police, le maire prévoit dans l’arrêté que soit déposé un rocher.
Un riverain dont l’habitation est desservie par ledit chemin conteste devant le juge des référés une telle mesure en invoquant une atteinte au libre accès à sa propriété.
Il est débouté sur ce point. En effet le requérant n’a pas été privé de tout accès en voiture à son domicile du fait de l’interdiction édictée à l’article 1er de l’arrêté municipal litigieux :
"la circonstance que le respect de cette interdiction se traduise pour lui par une limitation de son droit de circuler lui occasionnant une gêne ne suffit pas à caractériser une situation d’urgence justifiant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai, de ce seul fait, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative".
En revanche le dépôt du rocher a pour effet d’empêcher physiquement le passage des véhicules à moteur à quatre roues, y compris ceux auxquels l’interdiction de circuler ne s’applique pas, en particulier les véhicules de secours. De fait si l’accès au tronçon du chemin concerné est possible pour des véhicules à quatre roues de tourisme ou, plus difficilement, pour des véhicules utilitaires légers, y compris une ambulance, il apparaît impossible pour des véhicules de lutte contre l’incendie.
Sur ce point la suspension de la mesure par le juge des référés est bien justifiée :
"la mesure consistant à interdire, au moyen du dépôt d’un rocher, tout accès par des véhicules à quatre roues (...) une mesure excessive au regard de l’objectif recherché qui est la tranquillité et la sécurité des randonneurs qui empruntent le sentier de grande randonnée dont le tronçon en cause constitue un élément."
Conseil d’État, 18 avril 2014, N° 377621