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Accès perturbé aux commerces pendant une fête foraine : préjudice anormal et spécial ouvrant droit à réparation ?

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 17 février 2014, N° 12BX03019

Un commerçant sédentaire qui subit une baisse de son chiffre d’affaires pendant l’organisation d’une fête foraine peut-il obtenir réparation de son préjudice auprès de la commune ?

Potentiellement oui mais sous réserve que le maire ait commis une faute dans l’exercice de son pouvoir de police, ou que le commerçant ait subi un préjudice anormal et spécial (régime de responsabilité sans faute) résultant de l’organisation de la fête. Tel n’est pas jugé le cas pour un café dont l’accès est perturbé pendant l’organisation d’une fête foraine :

 la circonstance que le passage aménagé entre les attractions pour accéder à l’établissement aurait été de faible importance, sans pour autant empêcher la circulation piétonne, ne saurait, à elle seule, être de nature à révéler l’existence d’une faute commise par la commune ;

 la baisse du chiffre d’affaires, à la supposer en lien avec l’organisation de la manifestation, ne constitue pas un préjudice anormal et spécial ouvrant droit à réparation, s’agissant d’une fête traditionnelle organisée depuis plusieurs années et qui ne dure que cinq jours.

Un cafetier recherche la responsabilité d’une commune du Gers [1] lui reprochant, constat d’huissier à l’appui, les modalités d’organisation de la traditionnelle fête foraine à la fin du mois de juillet : selon lui l’accès des clients à son établissement est rendu, sinon impossible, du moins particulièrement incommode du fait de l’implantation des commerces ambulants.

Il réclame à la commune près de 15 000 euros de dommages-intérêts sur deux fondements différents :

 pour faute du maire dans l’exercice de son pouvoir de police notamment dans l’attribution des places aux forains ;

 pour inégalité des citoyens devant les charges publiques (régime de responsabilité sans faute), l’organisation de la fête lui occasionnant une baisse de son chiffre d’affaires.

Le tribunal administratif de Pau écarte toute responsabilité de la commune, ce que confirme la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Pas de défaillance dans l’exercice de pouvoir de police du maire

Aucune défaillance du maire dans l’exercice du pouvoir de police n’est retenu :

 il n’est pas établi que les services municipaux ont méconnu leurs obligations en matière de sécurité et de bon ordre publics, à l’occasion de cette manifestation festive au regard notamment de l’arrêté municipal régissant annuellement le stationnement et la circulation lors de la fête locale ;

 si les équipements et les véhicules en lien avec cette manifestation traditionnelle occupaient régulièrement une partie de la place, il résulte des propres constats d’huissiers réalisés à la demande du requérant, que la voirie longeant le commerce est demeurée dégagée et que, plus généralement, l’accès aux commerces situés sous les arcades n’a pas été entravé ;

 la circonstance que le passage aménagé entre les attractions pour accéder à la place aurait été de faible importance, sans pour autant empêcher la circulation piétonne, ne saurait, à elle seule et en tout état de cause, être de nature à révéler l’existence d’une faute commise par la commune au regard de ses obligations réglementaires ;

 il ne résulte pas de l’instruction que l’éclairage permanent et habituel des espaces publics de la commune, lequel n’a pas pour vocation, en tout état de cause, à se substituer à celui dont doivent s’équiper les commerces pour leur propre activité lorsque celle-ci s’exerce de manière nocturne, aurait été défectueux.

Ce d’autant que le président du comité des fêtes et que le maire de la commune, ont, d’une part, apporté un certain nombre de modifications dans les emplacements alloués aux attractions, afin de tenir compte de ses demandes en termes de " visibilité " de son enseigne, et, d’autre part, lui ont proposé en vain diverses améliorations ponctuelles de l’éclairage de la devanture, du positionnement de la terrasse ou du déplacement d’une remorque de forain.

Ainsi la commune a bien pris les mesures de police appropriées afin d’organiser l’implantation et déroulement de la fête foraine communale.

Pas d’inégalité devant les charges publiques

Les mesures légalement prises dans l’intérêt général par les autorités de police peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l’égalité devant les charges publiques au profit de personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal et spécial.

Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce :

 la fête locale annuelle organisée par la commune ne dure que cinq jours, pendant la troisième ou la quatrième semaine du mois de juillet ;

 cette fête locale existe depuis plusieurs décennies ;

 si la société requérante fait état d’une baisse de son chiffre d’affaires pendant cette période, ce préjudice ne présente pas un caractère anormal et spécial. Surtout qu’il reste à démontrer que la baisse du chiffre d’affaires soit en lien avec la fête foraine, alors qu’il résulte des déclarations de la société elle-même que son chiffre d’affaires repose principalement sur une clientèle d’habitués.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 17 février 2014, N° 12BX03019


 [2]

[1L’Isle Jourdain, 7000 habitants

[2Photo : © Dusan Jankovic