Le préfet est-il compétent pour délivrer un permis de construire à une communauté de communes pour la construction d’une gendarmerie bien que l’Etat ne soit pas propriétaire du terrain d’assiette, ni des constructions objets de la demande ?
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Oui : la notion de réalisation pour le compte de l’Etat comprend toute demande d’autorisation d’utilisation du sol qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses compétences au titre d’une mission de service public qui lui est impartie et à l’accomplissement de laquelle le législateur a entendu que la commune ne puisse faire obstacle en raison des buts d’intérêt général poursuivis. Il est à ce titre indifférent que le demandeur de l’autorisation ne soit pas l’Etat lui-même et que celui-ci ne soit pas propriétaire du terrain d’assiette, ni des constructions objets de la demande.
Une communauté de communes dépose en janvier 2012 une demande de permis de construire en vue de l’édification, sur un terrain dont elle est propriétaire, d’un ensemble immobilier de trois bâtiments comprenant des bureaux pour la communauté de communes, de nouveaux locaux destinés à la gendarmerie nationale ainsi que des logements de fonction pour les gendarmes.
Faute de réponse dans le délai d’instruction de la demande de permis, la communauté de communes prend acte de la délivrance d’un permis tacite. Mais la commune concernée s’oppose au projet et demande en référé la suspension du permis de construire tacite.
Sa demande est rejetée par le juge des référés qui lui dénie tout intérêt à agir : la circonstance que deux des bâtiments objets de la demande de permis de construire soient destinés à être mis à disposition de l’Etat, dans le cadre d’un contrat de bail de neuf ans, assorti du versement d’une subvention, en application des dispositions de l’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, à l’effet d’y installer une gendarmerie et des logements de fonction pour les gendarmes, ne permet pas pour autant de les faire regarder comme étant réalisés pour le compte de l’Etat au sens des dispositions de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme.
Et le juge des référés d’en déduire que l’instruction de la demande de permis de construire relève exclusivement de la compétence du maire et que, par suite, le permis de construire litigieux doit être regardé comme ayant été délivré, dans son intégralité, par le maire, au nom de la commune.
Le Conseil d’Etat censure cette position sur le fondement des dispositions combinées du a) de l’article L. 422-2 et du a) de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme attribuant compétence au préfet pour la délivrance des permis de construire lorsque la construction envisagée est réalisée pour le compte de l’Etat. L’occasion pour le conseil d’Etat de préciser que :
"la notion de réalisation pour le compte de l’Etat, au sens de ces dispositions, comprend toute demande d’autorisation d’utilisation du sol qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses compétences au titre d’une mission de service public qui lui est impartie et à l’accomplissement de laquelle le législateur a entendu que la commune ne puisse faire obstacle en raison des buts d’intérêt général poursuivis".
Il est à ce titre indifférent que le demandeur de l’autorisation ne soit pas l’Etat lui-même et que celui-ci ne soit pas propriétaire du terrain d’assiette ou des constructions objets de la demande. C’est donc à tort que le juge des référés a considéré que la commune n’avait pas d’intérêt à agir pour contester le permis.
Conseil d’État, 5 février 2014, N° 366208
[1] Photo : © emmanuelda