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Viols commis par un mineur confié à une assistante familiale, le département responsable

Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 17 octobre 2013, N° 1300636

Le juge administratif est-il lié par l’évaluation du préjudice faite par la commission des victimes d’infraction lorsqu’il se prononce sur la responsabilité d’une collectivité sur recours subrogatoire du Fonds de garantie des victimes d’infraction ?

Non : la nature et l’étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l’évaluation du dommage faite par l’autorité judiciaire dans un litige auquel elle n’a pas été partie, mais doivent être déterminés par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public. Ainsi le juge administratif appelé à se prononcer sur la responsabilité d’un département pour des faits de viols commis par un mineur confié à une assistance familiale dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, n’est pas lié par le montant des indemnités versées aux victimes par le Fonds de garantie des victimes d’infraction.


Un mineur confié au service d’aide sociale à l’enfance (ASE) d’un département commet, sur une période de deux ans, une série de viols et de tentatives de viols sur deux enfants faisant comme lui l’objet d’une mesure d’assistance éducative au titre de l’article 375 du code civil. Les agressions ont eu lieu au domicile de l’assistante familiale chez laquelle les mineurs avaient été placés par le service de l’aide sociale à l’enfance du département. Le mineur responsable est condamné par le tribunal pour enfants à 30 mois d’emprisonnement.

Le fonds de garantie des victimes d’infraction (FGTI) ayant indemnisé les victimes exerce un recours contre le département lui réclamant le remboursement des indemnités versées.

Responsabilité sans faute du département

Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand retient responsabilité sans faute du département, les viols ayant été commis alors que l’agresseur était confié à l’aide sociale du service à l’enfance en vertu d’une mesure d’assistance éducative prise sur le fondement de l’article 375 du code civil.

En effet la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d’un mineur à une personne mentionnée l’article 375-3 du code civil transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur. La responsabilité du département est alors engagée même sans faute pour tous les dommages causés aux tiers par ce mineur.

Evaluation autonome du préjudice par le juge administratif

Sur l’évaluation du préjudice, le tribunal administratif précise qu’il n’est pas lié par le montant alloué par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI). En effet :

« la nature et l’étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l’évaluation du dommage faite par l’autorité judiciaire dans un litige auquel elle n’a pas été partie, mais doivent être déterminés par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public, et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre de provision, d’indemnité ou d’intérêts. »

Voilà pour le principe. Mais ce rappel important n’aura pas, en l’espèce, d’incidence pratique. En effet, compte tenu des circonstances des agressions, le préjudice des deux victimes est évalué à 20 000 euros, celui de leur mère à 5000 euros. Soit un total de 50 000 euros [1] correspondant exactement à la somme réclamée par le Fonds de garantie au département.

Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 17 octobre 2013, N°1300636

[1Le tribunal administratif a rendu deux jugements distincts mais similaires dont un seul est reproduit ici.