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© Frédéric Prochasson

Accident de trajet imputable au service : incidence du départ anticipé du lieu de travail

Conseil d’Etat, 17 janvier 2014, N° 352710

© Frédéric Prochasson

L’accident survenu entre le lieu de travail et le domicile d’un fonctionnaire peut-il être rattaché au service même si l’intéressé a quitté son poste en avance sur l’horaire réglementaire ?

 

Oui : la circonstance que l’agent soit parti en avance par rapport à ses horaires de travail ne rompt pas, par elle-même, le lien avec le service. Si un départ trop anticipé ne permet plus à l’agent de bénéficier de la présomption d’imputabilité au service de l’accident survenu sur son trajet habituel domicile-travail, il reste que les circonstances de son départ ne constituent pas nécessairement un fait de nature à détacher l’accident du service. Tout est question d’appréciation au cas par cas. Ainsi en l’espèce le Conseil d’Etat considère que l’accident reste imputable au service dès lors que l’intéressé est parti après avoir transmis les consignes à l’agent assurant sa relève et que l’écart avec ses horaires, bien que sensible (45 minutes), ne traduisait aucune intention de sa part de ne pas rejoindre son domicile dans un délai normal et par son itinéraire habituel.
 

Un brigadier-chef de la police nationale est victime d’un accident de la route sur son trajet de retour, entre son lieu de travail et son domicile. Sévèrement blessé à la jambe, il est placé en congé maladie de longue durée puis admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service, bénéficiant ainsi d’une rente viagère d’invalidité.

Le ministre chargé du budget revient sur cette décision contestant l’imputabilité au service de l’accident. Il reproche à l’intéressé d’avoir quitté son poste trois-quarts d’heure avant l’heure normale. Un départ anticipé qui a d’ailleurs valu un blâme au fonctionnaire à l’issue d’une procédure disciplinaire.

 

L’affaire est portée devant le juge administratif.

L’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler la définition de l’accident de trajet :

 
 (...)est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service. »

S’agissant du départ anticipé de l’agent par rapport à son horaire normal de travail, les juges précisent que :

 
  •  « la circonstance que l’agent soit parti en avance par rapport à ses horaires de travail ne rompt pas, par elle-même, le lien avec le service ; 
  •  « toutefois, en cas d’écart sensible avec ses horaires, et sauf dans le cas où ce départ a été autorisé, il appartient à l’administration, puis le cas échéant au juge, de rechercher, au vu des raisons et circonstances du départ, si l’accident présente un lien direct avec le service. »

Ainsi un départ anticipé de 45 minutes, sans l’accord du supérieur hiérarchique, constitue bien un écart sensible de nature à priver l’agent du bénéfice de la présomption d’imputabilité de son accident au service.

 

Il appartient alors à l’administration, et le cas échéant au juge, d’apprécier l’imputabilité de l’accident au service en fonction des circonstances du départ. Ainsi, en l’espèce, l’accident n’est pas jugé détachable du service dès lors que :

  •  l’intéressé est parti après avoir transmis les consignes à l’agent assurant sa relève ;
  •  l’écart avec ses horaires ne traduisait aucune intention de sa part de ne pas rejoindre son domicile dans un délai normal et par son itinéraire habituel.

Peu importe que l’agent ait été sanctionné disciplinairement pour son départ anticipé, le blâme infligé n’ayant pas d’incidence sur la qualification d’accident de trajet.