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Caution annulée, responsabilité de la collectivité engagée !

Conseil d’Etat, 19 novembre 2013, N° 352615

Une commune qui a obtenu l’annulation pour excès de pouvoir des délibérations accordant sa caution solidaire à un emprunt souscrit par une société peut-elle tout de même engager sa responsabilité à l’égard du créancier ?

 [1]


Oui : l’illégalité de la délibération octroyant la caution peut constituer une faute de nature à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la commune envers l’établissement financier. Le fait pour la commune de ne pas tenir ses engagements prive en effet l’établissement financier d’une chance d’obtenir le remboursement de sa créance. Pour autant le créancier peut lui même avoir commis une faute de nature à exonérer en tout ou partie la collectivité. Ainsi en l’espèce le Conseil d’Etat prononce un partage de responsabilité, le créancier ayant commis une grave imprudence en octroyant un prêt important pour un projet dont la viabilité était douteuse et avec la seule garantie d’une commune aux capacités financières limitées.

Une société financière accorde un prêt de 3,3 millions de Deutsche Marks [2] à une société en nom collectif (SNC), dont une commune [3] se porte caution solidaire.

La SNC se retrouvant dans l’impossibilité d’honorer sa dette, la caution de la commune est alors actionnée par l’établissement financier.

La commune obtient l’annulation pour excès de pouvoir des délibérations ayant accordé sa garantie, pour défaut d’information du conseil municipal.

Qu’à cela ne tienne : l’établissement financier recherche alors la responsabilité de la commune en réparation du préjudice subi du fait du non respect des engagements pris et de la promesse, actée par les délibérations du 10 septembre 1987, de se porter caution solidaire de la SNC.

Le conseil d’Etat confirme l’illégalité de la caution en s’appuyant sur une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation :

"(...) un contrat de cautionnement de droit privé conclu par un maire sans que le conseil municipal ait, au préalable, décidé d’accorder la garantie de la commune et l’ait autorisé à intervenir à cette fin au contrat de prêt correspondant est entaché de nullité ; (...) il en va de même dans l’hypothèse où la délibération décidant d’accorder la garantie de la commune est annulée pour excès de pouvoir et ainsi réputée n’être jamais intervenue."

La commune n’est pas quitte pour autant : l’illégalité de la délibération a fait perdre au créancier le bénéfice de la garantie accordée par la commune lorsque la SNC s’est trouvée dans l’impossibilité d’honorer sa dette, soit le remboursement du principal de l’emprunt et de la majeure partie des intérêts. La commune engage ainsi sa responsabilité, non pas contractuelle, mais quasi-délictuelle.

Elle ne devra cependant pas réparer l’intégralité du préjudice subi par le créancier : ce dernier a commis une grave imprudence en octroyant un prêt d’un tel montant à la SNC, alors que la viabilité du projet apparaissait douteuse dès sa conception, et avec pour seule garantie la caution d’une commune aux capacités financières limitées. Une telle faute est de nature à exonérer la collectivité pour moitié, laquelle devra tout de même verser la somme de 843 631,60 euros.

Conseil d’Etat, 19 novembre 2013, N° 352615

[1Photo : © Elena Elisseeva

[2Consenti le 11 septembre 1987

[3De 1600 habitants.