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Utilisation détournée du temps de travail : abus de confiance caractérisé !

Cour de cassation, chambre criminelle, 19 juin 2013, N° 12-8303

L’utilisation, par un salarié (ou un fonctionnaire), de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il est rémunéré, est-elle pénalement répréhensible ?

 [1]

Oui répond la Cour de cassation qui estime que les éléments constitutifs de l’abus de confiance sont alors réunis : "l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance". Pour sa défense l’intéressé (salarié d’une association gérant un centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles) soutenait qu’il travaillait 60 heures par semaine dans les locaux du centre alors qu’il n’était rémunéré qu’à hauteur de 35 heures hebdomadaires et qu’ainsi ses activités privées avaient été réalisées en dehors de son temps de travail. L’argument n’est pas retenu par les juges qui le condamnent à dix mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d’amende. En statuant ainsi la Cour de cassation procède à une extension notable du champ de l’abus de confiance qui suppose le détournement d’un "bien" remis initialement avec l’obligation d’en faire un usage déterminé.

Un prothésiste en chef, salarié d’une association gérant un centre de rééducation et réadaptation fonctionnelle, s’entend avec l’un de ses confrères exerçant à l’extérieur du centre pour lui adresser systématiquement les patients qui, à leur sortie, ont besoin d’une prothèse définitive.

Les prothèses définitives sont fabriquées à partir de moulages que le salarié du centre de rééducation réalise pendant ses heures de travail et avec le matériel de son employeur. En contrepartie, son confrère lui reverse une partie de ses honoraires.

Une inspection de l’Agence régionale de l’hospitalisation et de l’assurance maladie (ARH) permet de mettre à jour la combine. L’association employeur porte plainte contre son salarié des chefs de corruption et d’abus de confiance.

Cette dernière qualification n’était pas évidente. En effet l’abus de confiance suppose le détournement d’un "bien" qui a été remis initialement avec l’obligation d’en faire un usage déterminé. Or en l’espèce c’est essentiellement une utilisation privative du temps de travail qui est reproché au salarié.

La Cour de cassation, n’en confirme pas moins la condamnation du salarié à 10 mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d’amende. Ce faisant elle franchit une étape supplémentaire [2] dans la dématérialisation des "biens" susceptibles de faire l’objet d’un abus de confiance :

"l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance".

La formule est concise et sans ambiguïté. Elle peut, par son caractère général, trouver à s’appliquer dans bien d’autres situations, et n’est pas réservée aux salariés du secteur privé.

Car si en l’espèce le salarié a utilisé son temps de travail pour une activité lucrative, le raisonnement pourrait être identique pour un salarié ou un agent "tire-au-flanc" ou qui refuserait d’exécuter les missions qui lui sont confiées pour en exécuter d’autres. Rien ne s’y oppose juridiquement. Certes de tels comportements peuvent déjà faire l’objet de sanctions disciplinaires. Mais les poursuites pénales ont eu incidence pratique non négligeable : si l’abus de confiance est caractérisé, l’employeur peut obtenir le remboursement de la partie des salaires et traitements qui ont été versés ainsi indûment.

Cour de cassation, chambre criminelle, 19 juin 2013, N° 12-8303

[1Photo : © Marc Dietrich

[2La Cour de cassation avait déjà retenu la qualification d’abus de confiance pour le détournement d’un numéro de carte bancaire, d’une connexion internet, ou d’informations relatives à la clientèle d’une entreprise.