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Optimisation des charges sociales et fiscales d’un établissement public : ne pas s’affranchir du code des marchés publics

Cour de discipline budgétaire et financière (Cour des comptes), 11 octobre 2013, N° 191-701

Le directeur d’un EHPAD peut-il conclure directement avec une société privée un contrat de prestations de services visant à rechercher des économies en matière de charges fiscales et sociales ?

 [1]


Non, ce type de convention est soumis au code des marchés publics et ne peut être conclue de gré à gré. En effet, il s’agit d’une prestation de consultation juridique, dont le prix est déterminable, car fixé en proportion des économies susceptibles d’être réalisées. S’agissant en l’espèce d’un marché devant excéder le seuil de 210 000 euros HT, le marché aurait dû être attribué après avis de la commission d’appel d’offres. La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) retient donc la responsabilité du directeur de la maison de retraite intercommunale pour ces infractions, mais constate cependant qu’il n’existait aucune intention frauduleuse de sa part, ni de prise d’intérêt au contrat avec la société prestataire, circonstances atténuantes à ses yeux. Elle le condamne à une amende de 300 euros.

Le directeur d’une maison de retraite intercommunale, ayant le statut d’établissement public local, conclut un contrat de prestations de services avec une société privée visant à diminuer les dépenses en matière de charges sociales et fiscales. Les prestations de la société sont rémunérées selon un prorata des économies réalisées, 40% en l’espèce, soit une facture globale à régler de 228 717,30 euros TTC. Sur cette somme, 192 991,59 euros TTC ont effectivement été réglés, le comptable public de l’établissement rejetant le surplus des factures présentées.

Pour mettre fin à la relation contractuelle, le directeur conclut une transaction avec le prestataire prévoyant le versement d’une indemnité de 13 000 euros puis il exerce une action contentieuse au tribunal administratif et obtient la condamnation de l’entreprise au remboursement des factures acquittées. Trop tard : il est poursuivi devant la Cour de discipline budgétaire et financière pour infractions aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat.

 Violation des règles applicables aux marchés publics :

La prestation en cause constitue une activité de consultation juridique dont le prix était déterminable. Compte tenu de son montant et de son objet, cette convention constituait un marché public normalement soumis aux dispositions des articles 28 et 30 du code des marchés publics dans leur version applicable au moment des faits. S’agissant d’un marché devant excéder le seuil de 210 000 euros HT, il aurait dû être attribué après avis de la commission d’appel d’offres et être transmis au contrôle de légalité [2].

 Illégalité de la transaction mettant fin à la relation contractuelle :

Le directeur ne disposait d’aucune délégation ni autorisation du conseil d’administration pour signer une telle transaction. De plus, celle-ci se rapportant à un marché public soumis au contrôle de la légalité, aurait dû être transmise en préfecture au contrôle de légalité. Ce qui n’a pas été fait en infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat.

 Dépassement des crédits ouverts

Enfin, les montants susceptibles d’être réglés au prestataire excédaient les crédits ouverts au budget de l’établissement pour l’année concernée. Ces dépenses prévisionnelles n’ont pas été enregistrées dans la comptabilité de l’établissement, ce qui constitue un manquement aux règles budgétaires applicables à la gestion d’un établissement public local.

 Absence de préjudice pour l’EHPAD

Dès sa mise en cause devant la CDBF, le directeur de l’EHPAD avait engagé une action contentieuse devant le juge administratif en vue d’obtenir la nullité de la convention de prestation de services et le remboursement des sommes déjà réglées. Bien que tardive, cette action évite ainsi un quelconque préjudice pour l’établissement.

La Cour de discipline budgétaire et financière, retient néanmoins la responsabilité du directeur de la maison de retraite pour toutes ces infractions aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat. Elle le condamne à une amende de 300 euros.

Le montant de l’amende peut paraître dérisoire. Cette relative clémence s’explique : outre l’absence de préjudice de l’établissement, aucune intention frauduleuse, ni de prise d’intérêt au contrat avec la société prestataire, n’a été constatée de la part de l’intéressé qui a "considéré agir dans l’intérêt de l’établissement qu’il dirige".

Cour de discipline budgétaire et financière siégeant à la Cour des comptes, 11 octobre 2013, N° 191-701

[1Photo : © vbrownjd

[2En application des dispositions combinées de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales et des articles 26 et 30 du code des marchés publics, dans leur rédaction applicable en 2007.