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Décentralisation : qui dit transfert de compétences, dit transfert rétroactif de responsabilités...

Conseil d’État, 23 octobre 2013, N° 351610

Un département peut-il, par le jeu des transferts de compétences, être déclaré responsable d’un défaut d’entretien d’un ouvrage public imputable à l’Etat ?

 
Oui : les transferts de routes nationales aux départements emportent transfert de l’ensemble des droits et obligations qui y sont attachés, y compris des actions en responsabilités exercées contre l’Etat et non définitivement jugées avant le 1er janvier 2008. Un département est ainsi déclaré responsable en 2013 d’un accident survenu à un cycliste en 2002 sur une route nationale. En effet, entre-temps, la route est devenue départementale par l’effet de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Pourtant, en l’espèce, la responsabilité de l’Etat avait été définitivement reconnue avant le transfert et le juge administratif n’avait plus à se prononcer, postérieurement à cette date, que sur l’évaluation du préjudice de la victime. Peu importe également qu’aucune des parties n’ait déposé de conclusions tendant à la condamnation du département dès lors que le moyen tiré de ce qu’une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas est d’ordre public (et peut donc être soulevé d’office par le juge).

 

En janvier 2002, un cycliste est victime d’une mauvaise chute sur une route nationale. Il obtient la condamnation de l’Etat pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public : en 2007 l’Etat est définitivement reconnu responsable de l’accident à hauteur de 75 % du préjudice.

Mais le contentieux se poursuit sur l’évaluation du préjudice de la victime. Et par le jeu des voies de recours, ce n’est qu’en juin 2011 que la cour administrative d’appel de Marseille est appelée à se prononcer.

 

Entre-temps, la route nationale est devenue départementale sous l’effet III de l’article 18 de la loi du 13 août 2004 applicable au 1er janvier 2008. Et voilà le département condamné à verser près de 200 000 euros de dommages-intérêts à la victime en lieu et place de l’Etat...

Pourtant aucune des parties à l’instance n’a déposé de conclusion en ce sens.

 

Peu importe répond le Conseil d’Etat qui approuve les juges d’appel d’avoir ainsi statué dès lors que le moyen tiré de ce qu’une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas est d’ordre public.

 

Or il se déduit des dispositions de l’article 18 de la loi du 13 août 2004, compte-tenu de leur portée générale et des modalités de compensation financière des transferts de compétences, que c’est bien l’ensemble des droits et obligations liés aux routes qui ont été transférés au département, y compris les actions en justice pendantes au 1er janvier 2008...

 

La circonstance qu’une précédente décision juridictionnelle, devenue définitive, ait reconnu la responsabilité de l’Etat est sans incidence : c’est bien au département, et à lui seul, qu’il revient de payer par substitution...