Une commune peut-elle, en sa qualité de personne morale, porter plainte pour diffamation si la probité du conseil municipal est mise en doute sur un blog ?
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Oui du chef de diffamation envers un corps constitué. Mais encore faut-il, pour que l’action soit recevable, que le conseil municipal délibère préalablement et précise les faits qu’il entend poursuivre et la nature de la qualification. Le réquisitoire introductif ne pourra pallier aucune insuffisance de la délibération initiale. Doit être ainsi annulée la plainte d’une commune contre l’auteur d’un tract et d’un article sur un blog, faute pour le conseil municipal d’avoir précisé le document incriminé, ni la nature de la qualification retenue.
Une opposante attaque la majorité municipale d’une commune de 3200 habitants en distribuant des tracts dans les boîtes aux lettres et en publiant un article sur un blog intitulé "un scandale peut en cacher un autre". Elle y met en cause la probité du conseil municipal. Le maire se constitue partie civile du chef de diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat public ; la commune, personne morale, en fait de même pour diffamation envers un corps constitué.
Mise en examen, l’intéressée obtient l’annulation des plaintes dirigées à son encontre, ce que confirme la Cour de cassation.
En effet pour être recevable, l’action de la commune supposait une délibération du conseil municipal qui réponde aux exigences de l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 : la délibération préalable à l’engagement des poursuites doit indiquer avec une précision suffisante les faits qu’elle entend dénoncer et mentionner la nature des poursuites qu’elle requiert, sans que ses insuffisances puissent être réparées par le réquisitoire introductif.
Or en l’espèce, si le conseil municipal a bien délibéré, il s’est contenté de viser "une plainte au civil" sans mentionner le document incriminé ni en citer des extraits. En outre la délibération fait référence à la défense de l’honneur et de l’intégrité des élus, ne permettant ainsi pas de déterminer s’il s’agit d’une plainte envers un citoyen chargé d’un mandat public ou envers un corps constitué.
Mais une nullité peut en cacher une autre.
Car la plainte du maire n’est pas plus régulière en ce qu’elle est concomitante à une autre plainte portant sur les mêmes faits sous deux qualifications différentes [2] entretenant ainsi une incertitude et une confusion ne permettent pas à l’auteur des attaques de connaître avec précision la qualification des faits qui lui sont imputés.
D’où l’annulation de l’ensemble de la procédure.
Cour de cassation, chambre criminelle, 25 juin 2013, N° 12-84696