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Maladie professionnelle : droit à réparation intégrale ?

Conseil d’Etat, 25 juin 2008, n° 286910

Un agent victime d’une maladie professionnelle ou d’un accident de service peut-il obtenir une réparation complémentaire au forfait de pension ?

 [1]


Une aide soignante d’un centre hospitalier charentais contracte l’hépatite C. La commission de réforme reconnaît à cette contamination le caractère d’une maladie professionnelle.

Après avoir bénéficié d’un congé de maladie à compter de janvier 1999 puis d’un mi-temps thérapeutique à compter du mois de mai suivant, elle est admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er octobre 2000.

Elle saisit les juridictions administratives d’une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité réparant les troubles dans les conditions d’existence et les pertes de revenus résultant de son état de santé.

Le tribunal administratif de Poitiers considère « que les dispositions statutaires instituant des avantages en faveur des agents atteints d’une invalidité imputable au service font obstacle à l’exercice d’un recours indemnitaire ».

En mars 2005, la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement : elle condamne le centre hospitalier au versement d’une indemnité de 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence mais rejette la demande relative aux pertes de revenus. Il faut dire qu’entre le jugement du tribunal administratif et l’arrêt de la cour administrative d’appel, le Conseil d’Etat a opéré un important revirement de jurisprudence [2] : désormais l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle peut obtenir des indemnités complémentaires, nonobstant la règle du forfait à pension, dans deux cas :

1° en toute hypothèse (même sans faute de l’administration) l’agent peut obtenir réparation des préjudices non économiques à caractère extra-patrimonial (prix des souffrances physiques et morales - ou pretium doloris - ; préjudices fonctionnels et d’agrément ; préjudice esthétique) ;

2° en cas de faute de l’autorité territoriale, l’agent peut obtenir réparation de l’ensemble de ses postes de préjudice non économique à caractère extra-patrimonial mais également des préjudices économiques à caractère patrimonial (ce qui inclut outre les frais engagés , les pertes de revenus ou gains manqués).

Dans son arrêt du 25 juin 2008, le Conseil d’Etat s’inscrit dans la droite lignée de cette jurisprudence :


 « les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d’accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d’invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d’invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l’atteinte à l’intégrité physique, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions ;

 (...) elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l’accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d’agrément ou des troubles dans les conditions d’existence, obtienne de la collectivité qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incomberait ».

En l’espèce la lourde pathologie contractée dans le service par la requérante justifie qu’il lui soit allouée 40 000 euros pour réparer ses troubles dans les conditions d’existence.

En revanche le Conseil d’Etat estime que la victime ne rapporte pas la preuve d’une faute de l’établissement hospitalier et ne peut donc pas obtenir réparation de ses pertes de revenus. En effet « si elle soutient qu’en raison d’un manque chronique d’effectifs, constitutif d’une faute dans l’organisation du service, elle aurait été amenée à effectuer sur des patients des actes ne relevant pas de sa compétence, elle ne fournit pas d’éléments suffisamment circonstanciés pour établir l’existence d’une faute ».

[1Photo : © Pierre-Gilles Markioli

[2CE 4 juillet 2003 n°21106 confirmé par CE 15 juillet 2004 n°224276