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Action en comblement de passif : une promesse de subvention non tenue n’exonère pas le dirigeant associatif

Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale, 2 avril 2013, N° 12/00445

Un dirigeant d’association peut-il échapper à une action en comblement de passif en invoquant une promesse de subvention municipale non tenue ?

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Non dès lors que l’insuffisance d’actif est bien en relation directe de cause à effet avec ses fautes de gestion, indépendamment des promesses de subvention non tenues. En effet un président ne peut engager, sans compter, des dépenses qui ne sont pas indispensables sans jamais s’interroger sur la capacité de l’association à les supporter. En outre un président associatif ne peut ignorer que l’assurance verbale donnée par un élu n’engage pas la collectivité. Surtout lorsqu’un changement de majorité est intervenu entre-temps. Il lui appartient donc de s’assurer du maintien de l’engagement, avant d’exposer des dépenses hors de proportion avec le budget dont il dispose, même dans ses projections les plus optimistes.

Ainsi, en l’espèce, le président de l’association est condamné à combler personnellement 50 % du passif de l’association révélée par la procédure de liquidation.

Une association créée pour l’organisation d’un festival est placée en liquidation judiciaire. La procédure met en évidence une insuffisance d’actifs de plus de 76 000 euros.

Le mandataire liquidateur assigne le président de l’association en paiement de cette somme, estimant que le passif de l’association est le résultat de ses fautes de gestion. Celui-ci se défend en invoquant une promesse de l’ancien maire de la commune de combler le déficit éventuel de l’opération.

L’argument ne convainc pas le tribunal de grande instance qui condamne le dirigeant associatif à combler personnellement 50 % du passif de l’association soit 38 000 euros. La Cour d’appel de Rennes confirme le jugement.

En effet la différence entre le montant des subventions demandées et celui obtenu s’élevait seulement à 37 500 euros, somme maximum que l’association pouvait dès lors espérer obtenir des collectivités locales en cause.

Or, le déficit de l’opération représente plus du double de ce montant. Ce qui est jugé d’autant plus incompréhensible que le représentant de l’association avait connaissance, avant d’engager la majorité des dépenses dont il a pris personnellement l’initiative, du fait qu’il n’obtiendrait pas la totalité des subventions réclamées, ce qui était d’ailleurs prévisible tout particulièrement pour une personne habituée de longue date à gérer une structure associative.

En outre le président "ne pouvait davantage ignorer que l’assurance verbale donnée par l’ancien maire n’engageait pas les collectivités locales". Surtout en présence d’un changement de municipalité intervenu plus de deux mois avant la manifestation. Aussi devait-il s’assurer du maintien de l’engagement, avant d’exposer des dépenses hors de proportion avec le budget dont il disposait, même dans ses projections les plus optimistes.

Ce d’autant qu’il a engagé des charges inutiles et, pour certaines, étrangères à l’objet de l’association : voyages, location d’un bungalow, achat d’un lot dispendieux pour une tombola [2], achat de quotidiens régionaux pour 1 545 euros, location des costumes dont deux tenues d’officier à 110 euros chacune, un budget de 7 485 euros en cadeaux et relations publiques, 20 557 euros en frais de réception et de congrès, 11 168 euros en catalogues ou imprimés, multiplication d’animations, prestations de transport et de bouche importantes et parfois d’un standing sans commune mesure avec les ressources de l’association comme le révèle la facture d’un hôtel pour 25 participants d’ un coût global de 12 821 euros...

Ainsi a-t-il personnellement engagé, sans compter, des dépenses qui n’étaient pas indispensables, ni même parfois utiles, sans jamais s’interroger sur la capacité de l’association à les supporter.

Impardonnable pour un dirigeant qui, se prévalant d’une expérience de 27 ans dans la gestion d’une association similaire, ne pouvait se méprendre sur la responsabilité qu’il assumait, ni sur les conséquences de son incurie pour ses fournisseurs dont certains ont été mis en difficulté.

L’insuffisance d’actif est donc bien en relation directe de cause à effet avec ces fautes de gestion, indépendantes des promesses qui lui ont été faites, et justifie la mise à contribution du patrimoine personnel du dirigeant.

Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale, 2 avril 2013, N° 12/00445

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[1Photo : © Janaka Dharmasena

[2Croisière comprenant la location d’un bateau et un repas pour un coût total de 8 897 euros