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Travaux de défrichement et d’exhaussement en violation du POS : reconnaissance du préjudice écologique de la commune

Cour d’appel de Montpellier, 7 mai 2013, N° 12/00086

Une commune peut-elle obtenir réparation du préjudice écologique résultant des travaux de défrichement et d’exhaussement réalisés par un propriétaire, en violation du POS, dans une zone naturelle ?

Oui répond la Cour d’appel de Montpellier dans le prolongement de la jurisprudence "Erika" de la Cour de cassation , et ce même en l’absence de poursuites fondées sur le code de l’environnement : le non respect du plan d’occupation des sols d’une commune, notamment lorsqu’il vise à protéger des zones naturelles, peut en effet générer un préjudice écologique, distinct du préjudice matériel ou moral de la commune, ouvrant droit à réparation spécifique. Tel est jugé le cas en l’espèce dès lors que les travaux consistant à entreposer des gravats provenant de chantiers de BTP sur une parcelle boisée (sinistrée par un incendie) ont conduit à une profonde modification de la topographie des lieux.

 [1]


Le maire d’une commune rurale [2] constate la présence de remblais très importants sur une parcelle initialement boisée mais ravagée pendant l’été par un incendie. Le chemin communal la desservant a été élargi pour permettre le passage de camions semi-remorques chargés de terre et de gravats.

L’élu dresse aussitôt procès verbal et prend un arrêté interruptif des travaux. Le propriétaire se défend en prétendant avoir l’intention de reboiser la parcelle avec une plantation de chênes truffiers. L’enquête établit qu’il n’en est rien et qu’il a tout simplement permis, contre rémunération, à des entreprises de BTP de venir entreposer les gravats issus de divers chantiers...

Consultée la Direction des territoires et de la mer constate que l’intéressé aurait dû obtenir préalablement :

 une autorisation de défrichement en application de l’article L311-1 du code forestier ;

 un permis d’aménager pour les travaux d’exhaussement en application de l’article R421-19 du code de l’urbanisme, les apports de terre dépassant la hauteur de 2 mètres et une superficie de plus de 2 hectares.

Permis d’aménager que n’aurait d’ailleurs pas pu obtenir le propriétaire puisque la parcelle est classé en zone ND du POS destinée à sauvegarder les sites naturels.

3000 euros d’amende et remise en état des lieux

Poursuivi au pénal, le propriétaire est relaxé sur l’infraction d’exhaussement irrégulier du sol. En effet les poursuites sont fondées sur des photos aériennes de la gendarmerie qui ne permettent pas d’établir avec certitude que la hauteur des remblais dépassait deux mètres.

Il est revanche condamné pour violation du POS le remblaiement et le déboisement n’étant pas autorisés dans la zone concernée. Il est également condamné du chef de défrichement sans autorisation d’un bois, dès lors qu’il ne produit aucun devis à l’appui de sa prétendue volonté de reboiser la parcelle. Ce d’autant, poursuit la cour, que la nature des remblais composés de terre mais aussi de gravats de divers chantiers rend illusoire l’hypothèse d’un reboisement futur.

Il est condamné à 3000 euros d’amende et à une remise en état des lieux dans le délai de 6 mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Reconnaissance du préjudice écologique de la commune

Mais l’intérêt de l’arrêt se situe ailleurs. La commune qui s’était constituée partie civile réclamait, dans la lignée de la jurisprudence de l’Erika, réparation du préjudice écologique résultant des infractions commises. Bien conseillée [3] elle invoquait à ce titre une altération de l’environnement commise dans une zone protégée destinée à assurer la sauvegarde des sites naturels.

Sur le fondement de la Convention européenne du paysage signée à Florence le 20 décembre 2000 et de l’article L110-1 du code de l’environnement, la cour d’appel de Montpellier fait droit à cette demande, allouant à la commune 12 000 euros en réparation du préjudice écologique :

"même en l’absence de poursuites fondées sur le code de l’environnement, le non respect du plan d’occupation des sols d’une commune, notamment lorsqu’elles visent à protéger des zones naturelles, peut générer un préjudice ouvrant droit à réparation".

Or en l’espèce les opérations menées en violation du POS ont porté sur une superficie de plus de 15 hectares et ont modifié la topographie des lieux et du chemin communal qualifié de "bien commun". Le tout à des fins purement mercantiles puisque le stockage de gravats provenant d’opérations immobilières sur la parcelle a constitué une opération lucrative pour le propriétaire [4] mais également pour les entreprises de BTP qui auraient dû s’acquitter d’un montant plus important si les déchets avaient été régulièrement traités dans les décharges prévues à cet effet.

Et la cour d’appel d’en conclure que :

" l’atteinte non négligeable à l’environnement et au paysage est donc établie et affecte un intérêt collectif légitime, à savoir la préservation de la qualité des sols, de l’eau, de l’air et du paysage".

La commune obtient par ailleurs 8000 euros en indemnisation de son son préjudice matériel constitué par les dégradations commises sur le chemin communal.

Cour d’appel de Montpellier, 7 mai 2013, N° 12/00086

[1Photo : © Stephen VanHorn

[2Guzargues (34), 350 habitants.

[3Par un avocat de la SCP Margall d’Albenas du réseau d’avocats de Smacl Assurances.

[4Qui a touché 40 centimes d’euros par m3 de remblais