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Violences au travail : l’employeur tenu d’une obligation de sécurité de résultat

Cour de cassation, chambre sociale, 23 janvier 2013, N° 11-18855

Une salariée d’une association peut-elle prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur si elle a été victime de violences physiques et morales de la part de son supérieur bien que le cadre fautif ait été licencié ?

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Oui : l’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements. Doit être ainsi assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par une salariée qui a été violentée sur son lieu de travail par son supérieur hiérarchique. Peu importe que cette prise d’acte soit intervenue près de deux ans après les faits et plus d’un an après le licenciement du cadre fautif.

🚨 Attention : la chambre sociale a depuis opéré un revirement de jurisprudence estimant désormais que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser (Cour de cassation, chambre sociale, 25 novembre 2015, N° 14-24444 ; Cour de cassation chambre sociale, 1 juin 2016, N° 14-19702).

La directrice adjointe d’une association informe en juillet 2008 son employeur de difficultés rencontrées dans l’exercice de ses fonctions du fait son supérieur hiérarchique direct. Celui-ci fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire.

A la suite d’une nouvelle plainte de l’intéressée mais également d’autres salariés, l’employeur saisit, en février 2009, l’inspection du travail d’une demande d’autorisation du licenciement du directeur de l’association, celui-ci étant par ailleurs... délégué syndical.

Autorisation refusée ! Le directeur-délégué-syndical s’en sort avec un simple avertissement.

Du moins pour cette fois. Car en mars 2009, une nouvelle altercation a lieu entre le directeur et son adjointe , cette dernière étant insultée et bousculée. Après une déclaration d’accident du travail en bonne et due forme, cette fois l’inspection du travail donne son autorisation à un licenciement.

Insuffisant pour satisfaire l’adjointe violentée qui, estimant que l’association n’a pas rempli son obligation de sécurité, saisit la juridiction prud’homale en mai 2009 d’une demande de dommages-intérêts. Elle est déboutée de ses demandes par jugement en date du 22 avril 2010.

L’affaire n’en reste pas là pour autant : la santé de la plaignante ne se s’améliore pas. Au contraire : en décembre 2010 à l’occasion d’un nouvel arrêt maladie le médecin du travail conclut que l’état de santé de la directrice adjointe est incompatible avec la reprise du travail en raison d’un danger grave et immédiat pour sa santé et sa sécurité.

Elle décide alors, 21 mois après les faits et plus d’un an après le licenciement du cadre fautif, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail toujours au motif que son employeur n’avait pas rempli son obligation de sécurité.

Ce faisant elle joue à quitte ou double. En effet lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Mauvaise pioche lui répondent les juridictions du fond qui analysent sa décision comme une démission : le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ne revêt pas, compte tenu de l’existence d’un affrontement entre deux salariés titulaires de postes de direction, un caractère de gravité de nature à justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Mais la Cour de cassation, dans un ultime rebondissement, annule l’arrêt et donne raison à l’intéressée par un attendu de principe qui souligne toute l’étendue de l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur :

"l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements".

Cour de cassation, chambre sociale, 23 janvier 2013, N° 11-18855

[1Photo : © Eric Chauvet