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Protection fonctionnelle : le Conseil d’Etat persiste et signe

Conseil d’Etat 14 mars 2008 N° 283943 Inédit au Recueil Lebon

Une administration peut-elle conditionner l’octroi de la protection fonctionnelle en insérant une clause l’autorisant à demander à l’agent poursuivi le remboursement des sommes en cas de condamnation ?

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En juillet 2001 le ministère de la Défense accorde à un militaire la protection fonctionnelle pour lui permettre d’assurer sa défense dans le cadre d’une information pour prêt illégal de main d’oeuvre, escroquerie et corruption en rapport avec des marchés d’approvisionnement de la direction des constructions navales. L’administration prend la précaution de préciser que "l’Etat serait fondé à (…) demander [à l’officier] le remboursement des sommes engagées par l’administration pour sa défense si, par une décision devenue définitive, une juridiction pénale venait à établir une faute personnelle dans les faits qui ont motivé sa mise en examen". De fait après condamnation définitive de son agent, l’Etat décide, par application de cette clause , le retrait de la protection et demande au militaire le remboursement des frais exposés pour sa défense.

Le Conseil d’Etat donne raison au militaire qui attaque cette décision :
 « les termes de l’article 24 de la loi du 13 juillet 1972 modifiée portant statut général des militaires [équivalent pour les militaires de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 pour les fonctionnaires civils], « font obstacle à ce que l’autorité administrative assortisse une telle décision [d’octroi de la protection fonctionnelle] d’une condition suspensive ou résolutoire »
 « lorsqu’il est saisi d’une demande d’un militaire sollicitant le bénéfice de la protection prévue par ces dispositions statutaires, le ministre de la défense ne peut refuser d’y faire droit qu’en opposant, s’il s’y croit fondé au vu des éléments dont il dispose à la date de la décision, le caractère de faute personnelle des faits à l’origine des poursuites au titre desquelles la protection est demandée »
 « dans le cas où, à l’inverse, il a accordé la protection, il peut mettre fin à celle-ci pour l’avenir s’il constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l’existence d’une faute personnelle »
 « en revanche le caractère d’acte créateur de droits de la décision accordant la protection de l’Etat fait obstacle à ce qu’il puisse légalement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hormis dans l’hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude ».

[1Photo : © Tom Schmucker