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Cadre territorial exhibitionniste, collectivité responsable ?

Tribunal administratif d’Orléans, 23 octobre 2012, n° 1002455 et n° 1102040

Une collectivité peut-elle être déclarée civilement responsable des faits d’exhibition sexuelle commis par un cadre dans l’exercice de ses fonctions ?

 [1]


Oui dès lors que la faute personnelle du cadre n’est pas dépourvue de tout lien avec le service. Tel est le cas si l’agent a agi pendant le temps du service, avec les moyens du service et/ou sur le lieu de travail. Les victimes sont alors en droit d’actionner la responsabilité de la collectivité à charge pour cette dernière de se retourner contre l’agent fautif pour obtenir le remboursement des sommes exposées. Une commune est ainsi déclarée civilement responsable de gestes déplacés et des faits d’exhibition sexuelle exercés par un cadre sur des subordonnés. La responsabilité de la collectivité est également engagée pour défaut d’octroi de la protection fonctionnelle aux agents victimes.

Deux gardiens municipaux portent plainte contre leur supérieur hiérarchique pour des gestes déplacés et des faits d’exhibition sexuelle. Le juge répressif leur donne raison [2] et condamne l’auteur des faits. Au civil le cadre territorial est condamné à verser 2000 euros de dommages-intérêts à l’un des plaignants, et 10 000 euros à l’autre.

Forts de cette condamnation, les agents se retournent contre la collectivité : non seulement, plaident-ils, la commune est civilement responsable des agissements commis par le cadre, mais en outre, elle a refusé de leur accorder la protection fonctionnelle.

La commune oppose, sur la forme, la prescription quadriennale [3] et, sur le fond, le caractère détachable de la faute commise par le cadre indélicat.

Ces deux arguments sont balayés par le tribunal administratif d’Orléans.

Interruption de la prescription

Une plainte avec constitution de partie civile interrompt la prescription quadriennale dès lors qu’elle porte sur le fait générateur, l’existence, le montant, ou le paiement d’une créance sur une collectivité publique. Tel est bien jugé le cas en l’espèce. Peu importe que la commune ne soit pas partie à l’instance pénale. Un nouveau délai de quatre ans a commencé à courir le 1er janvier 2010, la décision pénale ayant acquis un caractère définitif à l’automne 2009.

Obligation de protection

Lorsqu’un fonctionnaire est victime d’attaques dans l’exercice de ses fonctions, la collectivité est tenue de lui accorder sa protection sauf si elle peut invoquer, sous le contrôle du juge, un motif d’intérêt général. Cette obligation, rappelle le tribunal, peut avoir pour objet non seulement de faire cesser les attaques mais aussi d’assurer à la victime une réparation adéquate des torts qu’il a subis et d’assister, le cas échéant, l’agent dans les poursuites judiciaires qu’il entreprend pour se défendre.

Faute personnelle détachable non dépourvue de tout lien avec le service

Le tribunal administratif retient également la responsabilité de l’administration dès lors que la faute commise n’est pas dépourvue de tout lien avec le service. En effet les faits se sont déroulés au sein du service, pendant les heures de travail et avec les moyens matériels du service. Peu importe que le préjudice soit exclusivement imputable à la faute personnelle de l’agent, laquelle par sa gravité, doit être qualifiée de détachable du service. En effet cette circonstance autorise simplement la collectivité à exercer une action récursoire contre l’agent fautif pour obtenir le remboursement des sommes ainsi engagées.

Evaluation du préjudice

Le tribunal administratif alloue 5500 euros de dommages-intérêts au premier agent et 6000 euros au second. Pour le premier agent les juges prennent le soin de préciser que la somme correspond pour l’essentiel aux frais d’avocat qu’ils a engagés devant le juge pénal, laissant ainsi entendre que c’est au final le manquement à l’obligation de protection fonctionnelle qui est principalement sanctionné. Mais pour le second le tribunal administratif ne rentre pas dans ces détails, se contentant de préciser qu’il s’agit de la réparation des "préjudices de toute nature" et qui n’ont pas été réparés par l’attribution de dommages-intérêts.

Tribunal administratif d’Orléans, 23 octobre 2012, n° 1002455

Tribunal administratif d’Orléans, 23 octobre 2012, n° 1102040

[1Photo : © Georges Chamberlain

[2Cour d’appel d’Orléans, 28 septembre 2009

[3Les faits s’étant déroulés en 2003.