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Revente de billets de festival sur internet : l’association organisatrice recevable à agir

Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale 3, 6 Novembre 2012, N° 11/08734

Une société basée à l’étranger peut-elle impunément revendre sur internet des billets d’un festival organisé en France par une association ?

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Non : les juridictions françaises restent compétentes pour condamner sous astreinte la société à cesser de telles ventes sur le fondement de la loi loi du 27 juin 1919 prohibant la revente à un prix majoré de billets de spectacles subventionnés. Attention l’association organisatrice ne peut invoquer ces dispositions que si la manifestation est subventionnée sur des fonds publics ou si elle bénéficie d’un avantage quel qu’il soit émanant des collectivités publiques. Tel est bien jugé le cas en l’espèce dès lors que la commune a effectué des travaux au profit de l’association organisatrice du festival, alors que le département et la région ont facilité les conditions de transport des festivaliers.

Depuis bientôt 20 ans une association [2] organise chaque année un festival musical qui acquiert vite une renommée nationale. En avril 2011, l’association constate qu’un site internet vend des billets d’entrée à son festival, à un prix dépassant leur valeur faciale.

Elle assigne en référé la dite société dont le siège social est basé en Grande-Bretagne lui reprochant une violation des dispositions de l’article 1er de la loi du 27 juin 1919. Cet article prohibe en effet la revente de billets à un prix supérieur à celui fixé et affiché dans les théâtres et concerts subventionnés ou avantagés d’une façon quelconque par l’Etat ou des collectivités.

La société soulève l’incompétence des juridictions françaises, estimant que la seule accessibilité d’un site Internet sur le territoire français n’est pas suffisante. L’argument est vite écarté : la société ne conteste pas en effet avoir développé différents sites Internet en fonction des publics nationaux qu’elle vise, chaque site étant identifié par un suffixe propre au pays concerné. Ainsi, le site litigieux, rédigé en français et comportant des prix libellés en euros, était accessible par l’extension ’.fr’ propre à la France.

Le débat sur le fond peut donc s’ouvrir. La société conteste ici le droit à l’association d’invoquer les dispositions de la loi de 1919 faute pour l’association de toucher des subventions publiques.

Là encore l’argument est rejeté. En effet le texte s’applique non seulement aux manifestations soutenues par l’octroi de fonds publics mais encore à celles bénéficiant d’un avantage quel qu’il soit émanant des collectivités publiques.

Or tel est bien le cas en l’espèce puisque le maire de la commune atteste de la prise en charge par la municipalité de travaux en régie d’une valeur de 22 000 euros au profit du festival. En outre le conseil général a organisé des transports gratuits ou à un prix réduit pour assurer et faciliter l’accès du public au site du festival tandis que le conseil régional offrait, sur présentation d’un billet d’entrée, des places dans tous les trains express régionaux (TER) à un tarif unique particulièrement avantageux. Ces actions financées par les collectivités territoriales dans l’intérêt de la manifestation culturelle concernée constituent donc bien des avantages au sens de l’article évoqué.

La violation des dispositions de la loi du 27 juin 1919 étant démontrée, il appartient au juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte nécessairement. La société est ainsi condamnée sous astreinte de 1 000 euros par jour de retirer toutes annonces portant sur la vente de billets d’entrée au festival dont le prix indiqué est supérieur à leur valeur faciale.

En revanche la demande de dommages-intérêts de l’association est rejetée dans la mesure où il existe une contestation sérieuse sur le régime de responsabilité applicable à la société et sur la régularité de la dénonciation des faits illicites qui lui a été notifiée, et donc sur sa responsabilité dans la publication et le maintien des offres litigieuses. En effet, la condamnation au versement d’une provision suppose que soit constaté au préalable le caractère non sérieusement contestable de l’obligation.

Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale 3, 6 Novembre 2012, N° 11/08734

[1Photo : © Dusan Jankovic

[2Les Vieilles Charrues