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Dissolution d’un syndicat mixte : le préfet en excès de vitesse ?

Conseil d’État, 23 juillet 2012, N° 342849

Une commune membre d’une intercommunalité peut-elle revenir sur son avis favorable exprimé sur la demande de retrait présentée par une autre commune ?

 [1]


Oui mais uniquement dans le délai de 3 mois suivant la délibération du conseil communautaire (ou du comité syndical) et tant que le préfet n’a pas prononcé la dissolution de l’établissement. Le préfet n’est en effet pas tenu d’attendre l’expiration du délai de trois mois pour prononcer la dissolution. Il suffit qu’aient été préalablement recueillis les avis, explicites ou implicites, des conseils municipaux de toutes les communes membres de l’établissement public ainsi que l’accord de l’organe délibérant de l’établissement. Peu importe que certaines communes aient exprimé leur avis avant l’accord du conseil communautaire (ou du comité syndical).


Un syndicat mixte décide de s’auto-dissoudre pour simplifier l’exercice de la compétence d’assainissement et d’élimination des ordures ménagères sans pour autant contraindre les communes intéressées à adhérer à la communauté d’agglomération également membre du syndicat.

Le préfet prononce par arrêté la cessation d’activité du syndicat. Un agent du syndicat mixte dissous, par ailleurs habitant d’une commune appartenant à la communauté d’agglomération, conteste la légalité de cette décision.

Il invoque principalement une violation des dispositions de l’article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT) [2] qui fixent les conditions dans lesquelles une commune peut se retirer d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) [3]. Il y est notamment précisé que "le conseil municipal de chaque commune membre dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification de la délibération de l’organe délibérant au maire de la commune pour se prononcer sur le retrait envisagé" et qu’à "défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée défavorable".

Or les conseils municipaux de deux communes membres ont délibéré sans attendre la délibération du comité syndical et le préfet s’est empressé de prononcer la dissolution du syndicat avant l’expiration du délai de trois mois. Précipitation fautive en conclut l’intéressé : les décisions des communes concernées doivent être réputées défavorables et la majorité qualifiée requise pour la dissolution n’est donc pas atteinte. CQFD...

Le raisonnement se tient. Visiblement gêné, le tribunal administratif de Strasbourg, botte en touche, estimant que l’intéressé n’a pas qualité pour agir.

Un peu court lui répond la cour administrative d’appel de Nancy : en sa double qualité de contribuable de la communauté d’agglomération [4] et d’agent du syndicat mixte dissous, l’intéressé est bien recevable à agir.

Le débat sur le fond peut donc s’ouvrir. La cour d’appel n’en rejette pas moins l’argumentation de l’agent, ce que confirme le Conseil d’Etat par une lecture audacieuse des textes [5] :


 "si une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale autre qu’une communauté urbaine peut, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la délibération de l’organe délibérant de l’établissement public, revenir sur un premier avis qu’elle aurait donné sur le retrait d’une autre commune, cette faculté ne peut être exercée que tant que la décision du représentant de l’Etat dans le département n’a pas été prise" ;


 "si celle-ci ne peut intervenir qu’après qu’ont été recueillis les avis, explicites ou implicites, des conseils municipaux de toutes les communes membres de l’établissement public ainsi que l’accord de l’organe délibérant de l’établissement, le préfet n’est pas tenu d’attendre l’expiration d’un délai de trois mois après la notification de la délibération de l’organe délibérant".

Ainsi le préfet a pu autoriser légalement les retraits par un arrêté du 9 décembre 2004 dès lors que tous les membres du syndicat mixte s’étaient prononcés sur les projets de retrait et que l’organe délibérant du syndicat mixte les avait approuvés le 14 octobre 2004. Peu importe que le délai de trois mois après la délibération du comité syndical n’était pas expiré et que certains conseils municipaux se sont prononcés avant cette délibération.

Conseil d’État, 23 juillet 2012, N° 342849

[1Photo : © Galam

[2Procédure étendue aux syndicats mixtes constitués exclusivement de communes et/ou d’EPCI en vertu du premier alinéa de l’article L. 5711-1 du CGCT

[3Ou d’un syndicat mixte constitué exclusivement de communes et d’EPCI

[4Les arrêtés de retrait du syndicat mixte ayant des incidences financières sur le budget de la communauté d’agglomération

[5Pour un commentaire plus complet de l’arrêt voir "Procédure et conséquences du retrait des membres d’un syndicat mixte : la primauté de l’autonomie locale". - Jacqueline Domenach - RLCT n°82 septembre 2012