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Terrain pollué et "détenteur de déchets" : non-pollueur, payeur ?

Cour de cassation, chambre civile 3, 11 juillet 2012, N° 11-10478

Le propriétaire d’un terrain pollué par un exploitant en liquidation judiciaire peut-il être considéré comme le détenteur des déchets abandonnés et ainsi tenus à l’obligation de dépolluer le site à ses frais ?

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Oui : en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement. C’est donc à lui qu’il revient en principe l’obligation d’assumer financièrement les travaux de dépollution du site. A moins qu’il ne démontre être étranger à l’abandon des déchets et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance.

Des particuliers louent un terrain à un industriel pour l’exercice d’une activité de conditionnement et de commercialisation de produits chimiques, installation classée pour la protection de l’environnement.
Après plusieurs années d’exploitation, l’entreprise est placée en liquidation judiciaire. Le bail est résilié et les propriétaires récupèrent leur terrain... désormais pollué par des produits chimiques abandonnés sur le site.

Le préfet confie à l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l’ADEME) le soin de conduire les travaux d’élimination des déchets. L’ADEME s’exécute et adresse la facture aux propriétaires du terrain leur réclamant la somme de 246 917 euros...

En effet, il résulte de l’article L. 541-2 du code l’environnement, que les producteurs et détenteurs de déchets sont tenus d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination. Or poursuit l’ADEME, aux termes de l’article 1er de la directive CEE 75-442 du 15 juillet 1975, on entend par " détenteur " le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets " en sa possession ". Ainsi le propriétaire d’un terrain sur lequel se trouvent des déchets en est bien le "détenteur" dès lors qu’il jouit des attributs de son droit de propriété, lesquels lui confèrent la possession desdits déchets.

Certes répond la Cour de cassation qui confirme "qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement (...) tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n° 75-442 du 15 juillet 1975" ;

Pour autant, poursuit la Cour de cassation, le propriétaire ne saurait être débiteur de l’obligation d’élimination des déchets s’il "démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance".

Cour de cassation, chambre civile 3, 11 juillet 2012, N° 11-10478

[1Photo : © Dmitry Vereshchagin