
Conseil d’État, 14 août 2012, N° 361700
Un maire peut-il interdire l’accès à des propriétés menacées par des éboulements ?
Oui dès lors que le risque est avéré et que l’interdiction constitue, dans l’immédiat, la seule mesure possible de nature à prévenir le risque élevé d’atteinte aux personnes. Est ainsi justifiée la pose de barrières cadenassées empêchant l’accès à l’unique allée desservant les propriétés menacées.
[1]
Une paroi rocheuse surplombant des petites habitations de plaisance d’une commune des Bouches-du-Rhône [2] présente des signes inquiétants de risque d’éboulements.
Le maire interdit, par arrêté, l’accès à aux propriétés menacées et fait procéder à la pose de barrières cadenassées empêchant l’accès à l’unique allée les desservant.
Invoquant une atteinte grave et manifestement illégale à ses droits et libertés, une propriétaire concernée demande au juge des référés qu’il soit enjoint à la commune de libérer l’accès ou de lui remettre un double des clefs des cadenas.
Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille fait droit à sa demande et condamne la commune à libérer l’accès à l’allée sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance et donne raison au maire de la commune :
"il résulte de plusieurs rapports administratifs datant de 2010 et 2011, produits par la commune, qu’un risque d’éboulement de la paroi rocheuse surplombant les habitations riveraines de l’allée (...) existe, présentant un danger grave pour les personnes et les biens" ;
"l’obstruction par une barrière cadenassée de l’accès à l’unique allée desservant les propriétés riveraines est la seule mesure immédiate et possible de nature à prévenir le risque élevé d’atteinte aux personnes, alors même que différents travaux confortatifs partiels visant à le prévenir ont été effectués"
Le Conseil d’Etat reconnaît certes que cette interdiction de l’accès à la propriété met en cause le droit d’accès à la voie publique des riverains, la propriété privée et la liberté d’aller et venir. Mais au regard des risques avérés, il estime qu’elle constitue, en l’espèce, une mesure proportionnée.
Ce qu'il faut en retenir
En cas de danger grave ou imminent, le maire doit prescrire l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il peut prendre à cet effet des mesures portant atteinte au droit de propriété et à la liberté d’aller et de venir.
Est ainsi justifiée la pose de barrières cadenassées empêchant l’accès à l’unique allée desservant des propriétés menacées par un risque avéré d’éboulement dès lors qu’elle constitue, dans l’immédiat, la seule mesure possible de nature à prévenir le risque élevé d’atteinte aux personnes.
Rappelons néanmoins (voir lien proposé en fin de page) qu’au titre de son pouvoir de police générale, le maire ne peut pas prendre une mesure permanente et définitive privant le propriétaire de l’usage de son bien. Il peut simplement à ce titre, prendre des mesures temporaires ou limitées de prévention ou de sauvegarde.
Précisons également que lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain (ou d’affaissements de terrain, d’avalanches ou de crues torrentielles) menace gravement des vies humaines, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation des biens exposés à ce risque, sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation (article L561-1 du code de l’environnement).
Textes de références
Article L 2212-2 du Code général des collectivités territoriales
Article L561-1 du code de l’environnement (pouvoir d’expropriation du préfet en cas de menace grave sur les vies humaines)