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Agent non noté, responsabilité de l’administration engagée

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 17 avril 2012, N° 10MA01319

L’absence de notation d’un agent engage-t-elle la responsabilité de l’administration ?

 [1]


Oui si le fonctionnaire a exercé ses fonctions de façon effective sur une durée suffisamment longue au cours de l’année en cause pour permettre à son chef de service d’apprécier sa valeur professionnelle. Tel n’est pas le cas si l’intéressé a été absent du service durant la quasi-totalité de l’année en raison notamment de la succession de congés maladie. En l’espèce un SDIS est condamné à verser 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi par une gradée dont la manière de servir n’a fait l’objet d’aucune évaluation professionnelle pendant 10 ans.

Une sapeur-pompier professionnelle demande réparation des préjudices, matériel et moral, qu’elle estime avoir subis dans sa carrière du fait de l’absence d’évaluation pendant 10 ans de sa manière de servir par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) qui l’emploie.

Selon la requérante cette absence de notation sur plusieurs années préjudiciable à son évolution de carrière s’inscrirait dans un contexte de harcèlement moral [2].

La Cour administrative d’appel de Marseille condamne le SDIS à verser 10 000 euros à l’officier sur le fondement des articles 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 [3] et 14 du décret n° 2001-682 du 30 juillet 2001 portant statut particulier du cadre d’emplois des capitaines, commandants, lieutenants-colonels et colonels de sapeurs-pompiers professionnels [4] :

"il résulte de ces dispositions que leur application est subordonnée à la présence effective du fonctionnaire au cours de l’année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées, pour permettre à son chef de service d’apprécier sa valeur professionnelle".

C’est donc à une appréciation, année par année, que se livrent les magistrats marseillais :

 ainsi, en 2003, l’intéressée a été absente du service durant la quasi-totalité en raison de la succession de divers congés maternité ou maladie. Il ne peut donc être reproché au SDIS de ne pas l’avoir notée cette année ;

 en revanche, s’agissant de l’année 2002, où l’intéressée avait également cumulé plusieurs périodes d’absence, l’agent a exercé ses fonctions de façon effective sur une durée suffisamment longue pour autoriser son évaluation.

Ainsi le SDIS a commis une illégalité pour n’avoir pas procédé chaque année, année 2003 excluse, à l’évaluation de l’intéressée. Cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité du SDIS. Peu importe à cet égard que cette absence de notation ait aussi concerné d’autres agents du service : cette circonstance n’est pas de nature à exonérer l’administration de sa responsabilité.

La cour administrative d’appel de Marseille évalue le préjudice moral de la requérante à 10 000 euros. Les magistrats rejettent en revanche les prétentions indemnitaires de l’intéressée en réparation de son préjudice financier résultant du ralentissement invoqué de sa carrière et de sa nomination, considérée comme tardive, au grade de commandant. La manière de servir de l’intéressée n’est pas jugée suffisamment remarquable pour justifier une promotion au grade de commandant au bout d’une période minimale de 5 années d’exercice dans le grade de capitaine. Il n’est pas ainsi démontré que l’intéressée aurait perdu une chance sérieuse d’être promue au grade de commandant avant l’année 2007. Peu importe que des capitaines plus jeunes qu’elle ont été nommés au grade de commandant avant elle.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 17 avril 2012, N° 10MA01319

[1Photo : © Tkemot

[2Le colonel qui dirige le SDIS est renvoyé en correctionnelle de ce chef.

[3" Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation. ".

[4" Les fonctionnaires appartenant au cadre d’emplois des capitaines, commandants, lieutenants-colonels et colonels de sapeurs-pompiers professionnels font l’objet, chaque année, d’une notation conjointe de la part du préfet et du président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours. / Leur valeur professionnelle est appréciée notamment en fonction de leurs aptitudes générales, de leur efficacité ainsi que de leur qualité d’encadrement et de leur sens des relations humaines. "