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Baignades : droit dans le mur...et

Un maire peut-il être reconnu pénalement responsable d’un accident survenu à un jeune homme, qui après une soirée bien arrosée, a décidé d’aller piquer une tête dans le plan d’eau de la commune ?


Le 1er août 2003 à 22H30, un groupe d’amis décide, après un repas bien arrosé, de finir la soirée en piquant une tête dans un plan d’eau aménagé d’une commune de 15 000 habitants. L’un d’eux, âgé de 24 ans, plonge la tête la première et heurte un muret immergé sous 15 centimètres d’eau.
Le premier certificat médical établi par le médecin des urgences diagnostique "l’existence d’une paralysie complète des membres inférieurs, d’une fracture des deux vertèbres C3 et C7 et accessoirement d’une alcoolémie de 1,96 grammes par litre de sang".

Une information judiciaire est ouverte contre X du chef de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à 3 mois dont il ressort que trois semaines auparavant (le 10 juillet) une enfant de 8 ans qui se baignait au même endroit avait été hospitalisée après avoir heurté le même muret. D’ailleurs une ligne d’eau pour signaler aux baigneurs la présence du muret avait été initialement installée mais n’avait pas été entretenue.
A la suite du premier accident, la directrice des services techniques de l’office de tourisme en charge de l’organisation des activités de loisirs (pédalos, VTT), avait adressé un courrier à Madame le maire "pour lui signaler le danger que représente l’espace baignade (...) en raison de la disparition de la ligne d’eau". Le directeur général des services avait, pour sa part, attiré l’attention de l’élue sur la circonstance que, s’agissant d’un lieu de baignade aménagé mais non surveillé, "un lourde responsabilité pèserait sur la commune en cas de noyade". Le 23 juillet 2003 les services techniques de la mairie passaient commande d’une ligne d’eau auprès d’une société. Après réception du devis, le 28 juillet, le bon de commande était établi le 30 juillet 2003.

Poursuivie pour blessures involontaires, l’élue est relaxée s’agissant du premier accident, mais est condamnée pour le second :
 s’agissant de l’accident survenu à la fillette aucune faute pénale n’est caractérisée "dès lors que les changements intervenus dans l’équipe municipale quelques mois auparavant, tant du point de vue des élus que du personnel technique, permettent d’expliquer en partie une perte d’information ayant entraîné une modifications des conditions générales d’entretien de la zone de baignade concernée".

 En revanche, s’agissant du second accident, la responsabilité du maire est retenue dès lors "qu’en se bornant à commander une ligne d’eau dont la livraison n’interviendra que plusieurs jours plus tard et toujours attendue au moment de la survenance du second accident, la prévenue, sans causer directement le dommage, n’a pas pris les mesures permettant d’éviter la réalisation de celui-ci et a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer".
En conséquence l’élue est condamnée à payer 5 000 euros d’amende. En revanche sur l’action civile le maire ne devra pas indemniser les victimes sur ses deniers personnels (notamment la CPAM qui lui réclamait près de 400 000 euros au titre de ses débours provisoires), les magistrats estimant que les faits qui lui sont imputés ne présentent pas le caractère d’une faute détachable de l’exercice de ses fonctions.

Les parties civiles devront donc demander réparation de leur préjudice à la commune devant les juridictions administratives qui devraient, selon toute vraisemblance, tenir compte de la faute de la victime (baignade de nuit en état d’ébriété) pour exonérer, en partie, la collectivité.

Cour d’appel de Douai, 16 janvier 2007, N° 06/00806