Un maire qui juge insuffisantes les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national, peut-il, au nom du principe de précaution, réglementer plus drastiquement l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de sa commune ?
Au nom du principe de précaution, les maires de Saint-Denis, des Pennes-Mirabeau et de Bordeaux décident de réglementer l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de leur commune :
– le premier interdit temporairement, dans l’attente de la mise en place d’une charte avec les opérateurs téléphoniques, l’installation d’antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées ;
– le deuxième interdit l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de la commune dans un rayon de 300 mètres autour des habitations et des établissements recevant du public et soumet l’installation des antennes à une demande préalable à la commune et à un avis favorable de celle-ci ;
– le troisième soumet tout projet d’implantation d’antenne de téléphonie mobile à une procédure préalable, et interdit toute implantation d’antenne à moins de 100 mètres des lieux recevant régulièrement des enfants de moins de 12 ans ainsi que toute modification des réglages aboutissant à une “augmentation significative”, le tout sous le contrôle des services de la ville.
Le Conseil d’Etat annule les trois arrêtés, déniant toute compétence au maire en la matière, que ce soit au titre de son pouvoir de police générale, ou au nom du principe de précaution.
Une compétence exclusive des services de l’Etat
Le conseil d’Etat rappelle en premier lieu que la police spéciale des communications électroniques est confiée à l’Etat :
Incompétence du maire au titre de son pouvoir de police générale
Le Conseil d’Etat en déduit que le maire ne peut réglementer de manière générale l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur la commune, sans porter atteinte aux prérogatives de police spéciale confiées à l’Etat :
Peu importe, à cet égard, que le législateur ait prévu une information des maires, à leur demande, de l’état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de la commune. Le maire ne saurait en effet aller à l’encontre des pouvoirs de police spéciale attribués aux autorités nationales, "qui reposent sur un niveau d’expertise et peuvent être assortis de garanties indisponibles au plan local".
Impossibilité d’invoquer le principe de précaution
Le Conseil d’Etat dénie enfin au maire le droit d’invoquer en la matière le principe de précaution.
En effet ce principe, "s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions".
Un maire ne peut ainsi intervenir au motif "que les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution".
Et le Conseil d’Etat d’en conclure que :