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© Noam Armonn

Compétence du maire pour réglementer l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile

Conseil d’Etat, 26 octobre 2011, n°s 326492, 329904, 341767, 341768

© Noam Armonn

Un maire qui juge insuffisantes les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national, peut-il, au nom du principe de précaution, réglementer plus drastiquement l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de sa commune ?

 

 

Non. Le principe de précaution ne permet pas à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions. La police spéciale des communications électroniques relève de la seule compétence de l’Etat à qui il appartient de concilier les impératifs de santé publique et de couverture téléphonique du territoire . Ce n’est qu’en cas d’urgence et de circonstances locales exceptionnelles dûment établies, que le maire peut user de ses prérogatives de police générale pour interdire l’implantation d’une antenne relais déterminée.
 

Au nom du principe de précaution, les maires de Saint-Denis, des Pennes-Mirabeau et de Bordeaux décident de réglementer l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de leur commune :

 le premier interdit temporairement, dans l’attente de la mise en place d’une charte avec les opérateurs téléphoniques, l’installation d’antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées ;

 le deuxième interdit l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur le territoire de la commune dans un rayon de 300 mètres autour des habitations et des établissements recevant du public et soumet l’installation des antennes à une demande préalable à la commune et à un avis favorable de celle-ci ;

 le troisième soumet tout projet d’implantation d’antenne de téléphonie mobile à une procédure préalable, et interdit toute implantation d’antenne à moins de 100 mètres des lieux recevant régulièrement des enfants de moins de 12 ans ainsi que toute modification des réglages aboutissant à une “augmentation significative”, le tout sous le contrôle des services de la ville.

 

Le Conseil d’Etat annule les trois arrêtés, déniant toute compétence au maire en la matière, que ce soit au titre de son pouvoir de police générale, ou au nom du principe de précaution.

 

Une compétence exclusive des services de l’Etat

Le conseil d’Etat rappelle en premier lieu que la police spéciale des communications électroniques est confiée à l’Etat :

 
pour concilier les impératifs de santé publique et de couverture du territoire par les réseaux de communication, "le législateur a confié aux seules autorités qu’il a désignées, c’est-à-dire au ministre chargé des communications électroniques, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le soin de déterminer, de manière complète, les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent".

Incompétence du maire au titre de son pouvoir de police générale

Le Conseil d’Etat en déduit que le maire ne peut réglementer de manière générale l’implantation d’antennes de téléphonie mobile sur la commune, sans porter atteinte aux prérogatives de police spéciale confiées à l’Etat :

 
si les articles L. 2212‑1 et L. 2212‑2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes".
 

Peu importe, à cet égard, que le législateur ait prévu une information des maires, à leur demande, de l’état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de la commune. Le maire ne saurait en effet aller à l’encontre des pouvoirs de police spéciale attribués aux autorités nationales, "qui reposent sur un niveau d’expertise et peuvent être assortis de garanties indisponibles au plan local".

 

Impossibilité d’invoquer le principe de précaution

Le Conseil d’Etat dénie enfin au maire le droit d’invoquer en la matière le principe de précaution.

 

En effet ce principe, "s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions".

 

Un maire ne peut ainsi intervenir au motif "que les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution".

 

Et le Conseil d’Etat d’en conclure que :

 
le maire ne peut, ni au titre de ses pouvoirs de police générale ni en se fondant sur le principe de précaution, adopter une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes".