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Agent relaxé, rétrogradation justifiée ?

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 11 juillet 2011, N° 09MA00462

Une commune peut-elle sanctionner disciplinairement un agent relaxé au pénal ?

 [1]


Oui : les procédures pénale et disciplinaire sont indépendantes l’une de l’autre. Cependant, l’administration doit tenir compte, dans le choix de la sanction, de la situation de l’agent en cause et des constatations faites par le juge pénal.

En janvier 2005 une commune porte plainte avec constitution de partie civile contre un ingénieur territorial du chef d’abus de confiance. Elle lui reproche d’avoir poursuivi une pratique au sein du service propreté dont il a la charge, consistant à revendre à une entreprise privée les encombrants, récupérés à l’occasion de la collecte des ordures ménagères.

Le cadre territorial se défend en relevant que les sommes ainsi récoltées servent exclusivement à l’organisation de repas de fonctionnaires, auxquels se joignent parfois des élus, et au paiement des gerbes et couronnes à l’occasion de décès d’un agent.

Relaxe au pénal

De fait, le fonctionnaire est relaxé par le tribunal correctionnel de Béziers. Sans attendre l’issue de l’appel interjeté par la commune et le ministère public, le maire prononce la rétrogradation de l’agent.

La Cour d’appel de Montpellier [2] confirmera pourtant la relaxe du prévenu, en l’absence d’enrichissements personnels et faute d’une réglementation municipale organisant l’affectation des encombrants collectés.

Fort de cette décision, l’agent exerce un recours contre la rétrogradation dont il a été l’objet et obtient l’annulation de la sanction prononcée à son encontre, ce que confirme la Cour administrative d’appel de Marseille.

Deux procédures indépendantes

L’occasion pour les magistrats marseillais de rappeler les règles relatives à l’articulation entre responsabilité pénale et sanction disciplinaire :


 "lorsque les faits commis par un agent public donnent lieu à la fois à une action pénale et à des poursuites disciplinaires, l’administration peut se prononcer sur l’action disciplinaire sans attendre l’issue de la procédure pénale" ;


 "si elle décide néanmoins de différer sa décision en matière disciplinaire jusqu’à ce que le juge pénal ait statué, il lui incombe, dans le choix de la sanction qu’elle retient, de tenir compte non seulement de la nature et de la gravité des faits répréhensibles mais aussi de la situation d’ensemble de l’agent en cause, à la date à laquelle la sanction est prononcée, compte tenu, le cas échéant, des éléments recueillis, des expertises ordonnées et des constatations faites par le juge pénal" ;

Rétrogradation disproportionnée

La sanction de la rétrogradation est jugée, en l’espèce, disproportionnée en l’absence de profits personnels retirés par l’agent. Ce d’autant, poursuit la Cour, que le cadre territorial s’est borné à poursuivre une pratique initiée par ses prédécesseurs, et à laquelle il a mis fin dès que ces supérieurs le lui ont demandé.

"Dans ces conditions, si les faits commis révèlent une légèreté anormale dans le maniement de recettes publiques chez un cadre territorial de ce niveau (...) et sont par suite constitutifs d’une faute disciplinaire que la commune (...) pouvait sanctionner, c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la rétrogradation choisie était entachée d’erreur manifeste d’appréciation".

En effet "son application entraînait pour l’intéressé de très lourdes conséquences financières sur son revenu d’activité - de l’ordre de 26 000 euros [3] sur la seule période séparant la date d’effet de la sanction de la date de son annulation par les premiers juges -, et sur sa future pension de retraite".

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 11 juillet 2011, N° 09MA00462

[1Photo : © EML

[2Sur le volet pénal voir lien en fin d’article

[3Somme que les juges mettent en parallèle avec les 5 312 euros récoltés sur la période de 2001 au 1er janvier 2005 et qui ont servi exclusivement à des œuvres sociales sans enrichissement personnel.