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Urgence dans les marchés publics : souvent invoquée, rarement retenue

Cass crim 13 septembre 2006 N° de pourvoi : 05-83159 Inédit

Les échéances électorales approchant, un élu accélère certains projets en faisant fi des règles de la commande publique. A la suite d’un audit, la nouvelle majorité le dénonce au procureur de la République. Invoquer l’urgence devant les tribunaux n’a alors que peu de chances de prospérer.


A la suite des élections de 2001 dans un Territoire d’outre mer, la nouvelle présidente de l’Assemblée territoriale, après avoir effectué un audit, dénonce au procureur de la République des irrégularités dans la rénovation du siège de l’assemblée territoriale : le marché d’un montant de 168 000 000 de francs pacifiques a été confié à une entreprise sans appel d’offres.

Poursuivi pour favoritisme le président déchu est condamné à 7 mois d’emprisonnement avec sursis ce que confirme la Cour de cassation.

Après avoir précisé que la réglementation relative aux marchés publics était bien applicable aux marchés passés au nom du Territoire (y compris par l’assemblée qui constitue au même titre que le gouvernement et le conseil économique et social une institution du TOM), les magistrats relèvent que :

1° si l’élu "avait confié l’organisation et la surveillance des travaux de rénovation du bâtiment de l’assemblée territoriale à son chef de cabinet, il est en revanche acquis qu’il avait conservé la signature des marchés, celle-ci ne pouvant être déléguée qu’à un élu" ;

2° "le calendrier prévu pour ces travaux était enfermé dans des délais très brefs puisque l’ampleur n’en a été connue qu’en fin d’année 2000 pour une échéance en mai 2001" ;

3° "devant l’urgence, il avait été décidé lors d’une réunion entre le prévenu, son directeur de cabinet et [son chef de cabinet], de ne pas faire d’appel d’offres en scindant le projet en lots distincts, chacun étant inférieur à 20 millions de FCP, seuil des marchés à faire passer avec appel d’offres" ;

4° le prévenu était Président de l’assemblée depuis 1996 et que, dès lors, il ne pouvait ignorer que l’ampleur d’un projet discuté en 1999 puis voté par l’assemblée en 2000 nécessitait le recours à la procédure d’appel d’offres.

Et les magistrats de conclure "qu’en choisissant délibérément, même au motif de l’urgence à réaliser les travaux, d’écarter la procédure d’appel d’offres, [le président et son directeur de cabinet] ont provoqué au profit de [l’entrepreneur] un avantage injustifié en écartant de l’accès au marché tout autre candidat concurrent possible.