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Permis de construire : quand le pénal se mêle à l’urbanisme

Cass crim 25 janvier 2006, N° de pourvoi : 05-83559, Inédit

Un enrichissement personnel incontesté mais une prise illégale d’intérêts qui pose une nouvelle fois la question de la compatibilité entre les dispositions du Code de l’urbanisme et celles du Code pénal. Cet arrêt est décidément riche d’enseignements.

Deux ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, 100 000 euros d’amende et, trois ans d’interdiction de certains droits civiques, c’est sans doute l’une des plus lourdes condamnations pour prise illégale d’intérêts et abus de biens sociaux constatées dans les Juridiscopes de l’Observatoire.

Les magistrats n’ont guère apprécié que sous couvert d’un but économico-humanitaire ("donner du travail à une population misérable"), l’élu a détourné plus de 15 millions de francs soit pour renflouer des sociétés sans activité commerciale réelle qu’il dirigeait, soit directement pour son profit personnel. Voilà qui explique la sévérité de la peine prononcée.

Par contre, les faits reprochés au maire qui justifient la prise illégale d’intérêts, apparaissent comparativement bien anodins. Ils pourraient même donner des sueurs froides aux élus. En effet, il est reproché au maire :

1° d’avoir délivré, sur un terrain sur lequel la commune n’avait pas exercé son droit de préemption, un permis de lotir au profit d’une société civile immobilière contrôlée par ses deux beaux-frères ;

2° d’avoir, en cours de mandat, classé un terrain lui appartenant en zone constructible et d’avoir projeté d’y construire un lotissement (projet qui n’a pas abouti pour des raisons indépendantes de la volonté de l’élu).

A l’élu qui se défendait en relevant, sur le premier point, "qu’une commune ne peut refuser d’octroyer une autorisation de lotir dès lors que les conditions légales fixées par le Code de l’urbanisme sont réunies" et sur, le second point, que la prescription était acquise, les magistrats répondent :

1° " que si l’absence de préemption du terrain par la commune permettant deux ventes successives constitue un ensemble de faits qui ne peuvent être analysés comme un élément de l’infraction au regard des dates par rapport au premier acte d’enquête, ces faits ont le mérite d’expliquer en quoi l’autorisation de lotir accordée par le maire en 1993 et favorisant ses beaux frères, n’était que l’aboutissement d’un processus auquel le maire avait été intimement et activement mêlé".

2° Que si le classement du terrain en zone constructible était prescrit, il n’en demeure pas moins que l’élu a obtenu, deux ans plus tard, une autorisation de lotir "délivrée par son adjoint chargé de l’urbanisme" ce qui caractérise le délit de prise illégale d’intérêts et fait courir à nouveau le délai de prescription.

Et les magistrats de conclure, pour justifier la peine, que "l’examen général des abus de biens sociaux et des prise et conservation illégales d’intérêts démontrent de la part [du prévenu] le souci de mettre la politique au service des affaires et les affaires au service de la politique ce qui pour un élu de la République que ses électeurs ont porté à des fonctions prestigieuses exige une application ferme de la loi pénale qui tout en le sanctionnant sévèrement devra l’éloigner de la politique et des affaires".