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Faux et usage de faux : coupable obéissance

Cass crim 8 février 2006, n° de pourvoi : 05-84247

Quand un fonctionnaire exécute un ordre illégal il peut être poursuivi pénalement. S’il désobéit il s’expose à des mesures de rétorsions de la part du maire. Cruel dilemme. Cet arrêt de la cour de cassation met une nouvelle fois en exergue la délicate position des fonctionnaires territoriaux.

Le maire d’une commune du sud-est est également président d’un OPHLM et conseiller général. Un contrôle de la chambre régionale des comptes sur l’office public débouche sur une enquête du SRPJ mettant à jour de nombreuses irrégularités :

 prise en charge des travaux de construction d’un théâtre de la commune par l’OPHLM à hauteur de 100 000 euros ;

 établissements des faux ordres de mission et bons de travail ;

 règlement par la collectivité des travaux de jardinage effectués au domicile personnel de l’élu (pour sa défense l’élu invoque une "tradition" locale !) ;

 remboursement par l’OPHLM de frais injustifiés de déplacement et de représentation dont certains avaient été également pris en charge par le conseil général (pour 30 000 euros) !!!! ;

 détournement de plus de 20 000 euros au détriment de la section locale du parti politique dont il est le trésorier.

Pris la main dans le sac, l’élu exerce, au cours de l’enquête, des pressions sur les fonctionnaires pour orienter leur déposition. Le directeur général ayant refusé de rentrer dans la combine, est déchargé de ses fonctions.

Poursuivi pour abus de confiance, faux et usage de faux et subornations de témoins, l’élu est condamné à 2 ans d’emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d’amende et 5 ans de privation des droits de vote et d’éligibilité. Il devra en outre verser 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral du directeur injustement déchargé.

Le responsable de la régie des ouvriers et le directeur des services techniques de la commune sont également condamnés pour faux et usage de faux, faute pour eux de ne pas avoir su désobéir à l’ordre illégal de leur maire. Condamnés à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d’amende, seul le DST a exercé un recours en invoquant le devoir d’obéissance hiérarchique. Son argument est rejeté et sa condamnation confirmée dès lors que " le fait de se conformer aux ordres de son supérieur hiérarchique ne peut constituer ni un fait justificatif, ni une excuse permettant d’échapper aux poursuites pénales". Le fonctionnaire "ne peut se prévaloir d’une obéissance inconditionnelle à son maire dès lors que l’ordre qu’il avait donné était manifestement illégal en lui demandant de commettre des faux".