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Marchés publics : eaux troubles

Cass crim 25 janvier 2006, N° de pourvoi : 05-84782 Inédit

Le vote d’une subvention peut être constitutif de prise illégale d’intérêts lorsque le bénéficiaire conclut des marchés avec une société dirigée par un élu. Illustration avec cette affaire relative à des travaux d’adduction d’eau subventionnés par le conseil général.

Un conseiller général, président de la commission des finances, est entrepreneur dans le privé et travaille à ce titre pour le compte de communes du département. Rien de répréhensible en soi. Sauf qu’avec sa casquette privée il établit les dossiers de demandes de subvention présentées par les communes, et qu’en sa qualité de conseiller général il vote les mêmes subventions...

Ce mélange de genres ne manque pas d’attirer l’attention de la chambre régionale des comptes qui constate dès 1997 "que la gestion du syndicat départemental d’électricité [du département] était caractérisée par la concentration des pouvoirs d’administration générale et de maîtrise d’oeuvre entre les mains du cabinet [de l’élu], entraînant une confusion des rôles contraire à la réglementation et préjudiciable aux exigences de transparence qui doivent s’attacher à la gestion des fonds publics".

Deux ans plus tard une enquête est confiée au SRPJ laquelle établit que tous les marchés se rapportant à l’alimentation en eau potable "présentaient d’étranges similitudes" alors que "le financement des travaux était assuré pour 30 à 50 % par des subventions du Conseil général et ponctuellement par des subventions de l’agence de l’eau".

Poursuivi pour prise illégale d’intérêts, l’élu relève pour sa défense que "la commission des finances [qu’il présidait] ne faisait qu’enregistrer les propositions des autres commissions et élaborer un projet de budget dont il était le rapporteur" et "qu’il ne votait que pour l’adoption du budget global".

Cela ne suffit à emporter l’intime conviction des magistrats qui le condamnent à 5 000 euros d’amende dès lors que :
 "le prévenu avait en charge d’assurer la surveillance de l’octroi de subventions aux collectivités locales pour les travaux d’alimentation en eau potable" ;
 "dans le cadre de ses attributions de président de la commission des finances ou de rapporteur du budget, il avait des pouvoirs de préparation, de proposition et de présentation de rapports ou d’avis en vue de la prise de décision à laquelle il participait du fait de son mandat électif public, peu important qu’il partageât ses prérogatives avec d’autres personnes en vue de l’élaboration de décisions collectives" ;
 "sa société a pris une part active dans le schéma de financement des projets de travaux d’adduction d’eau des collectivités locales" ;
 l’élu "a procédé au chiffrage du coût des travaux envisagés et établi les dossiers de demande de subvention" peu important à cet égard "que les contrats de maîtrise d’oeuvre aient été signés antérieurement ou postérieurement à l’octroi des subventions".