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Harcèlement moral : agent insolent et désobéissant, collectivité exonérée de toute responsabilité ?

Conseil d’État, 11 juillet 2011, N° 321225

Le comportement fautif (désobéissance et insolence) d’un fonctionnaire peut-il être pris en compte par le juge administratif pour apprécier la réalité du harcèlement moral dont l’agent prétend être victime ?

 [1]


Oui. Le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral pour apprécier la réalité du harcèlement. En revanche si le harcèlement moral est vraiment caractérisé, la faute de la victime ne constitue pas pour l’employeur public une cause d’exonération de sa responsabilité.

Une fonctionnaire employée comme adjoint administratif d’une commune sarthoise (2500 habitants), est placée en congé de longue maladie en septembre 2005 en raison d’un état dépressif.

Elle impute la dégradation de sa santé psychique à des agissements de harcèlement moral dont elle aurait été la cible : depuis l’entrée en fonction de la nouvelle directrice générale des services (DGS), elle prétend avoir été victime d’une dégradation importante de ses conditions de travail se caractérisant, de la part de son supérieur hiérarchique, par une attitude de dénigrement systématique et une réduction non négligeable de ses attributions antérieures.

Elle réclame à la commune 120 000 euros euros de dommages-intérêts.

Le tribunal administratif et la Cour administratif d’appel de Nantes la déboutent. Si les juges reconnaissent bien l’existence d’un harcèlement moral, ils relèvent qu’en raison de son comportement [2], l’intéressée a largement contribué à la dégradation des conditions de travail dont elle se plaint, exonérant ainsi la commune de toute responsabilité.

Le Conseil d’Etat déboute aussi l’agent mais en ne suivant pas la motivation des juges du fond : si le juge doit tenir compte du comportement de l’intéressé pour apprécier la réalité du harcèlement dont il estime être l’objet, en revanche "la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l’existence d’un harcèlement moral est établie, qu’il puisse être tenu compte du comportement de l’agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui".

Autrement dit le comportement de l’intéressé peut être pris en compte pour apprécier la réalité du harcèlement mais non pour limiter le droit à indemnisation de l’agent si le harcèlement est vraiment caractérisé.

En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que le harcèlement n’est pas caractérisé au regard du propre comportement de la plaignante. Ainsi
si les relations de travail au sein des services de la commune ont été affectées par des tensions et des conflits persistants entre les membres du personnel et la nouvelle secrétaire générale de la mairie, le comportement de la DGS ne peut être apprécié sans tenir compte de l’attitude de la requérante : difficultés relationnelles avec ses collègues et avec les élus, refus d’obéissance aux instructions et attitude agressive, qui ont d’ailleurs valu à l’intéressée une sanction disciplinaire.

Et le Conseil d’Etat d’en conclure que les agissements de la DGS à l’égard de la requérante n’ont pas excédé les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique au point de pouvoir être qualifiés de harcèlement moral. Peu importe à cet égard qu’une plainte pour harcèlement moral ait été déposée à l’encontre de la secrétaire générale par le maire de la commune.

Conseil d’État, 11 juillet 2011, N° 321225

[1Photo : © milousSK

[2Insolence, agressivité verbale, provocation, le manque de respect envers les élus et ses collègues