Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Nullité des marchés reconduits par tacite reconduction sans limitation dans le temps

Conseil d’État, 20 avril 2011, N° 342850

Une irrégularité tenant à la conclusion d’un contrat en application d’une clause de tacite reconduction non limitée dans le temps est-elle suffisamment grave pour que le juge soit tenu d’écarter le contrat ?

 [1]


Oui. L’irrégularité tenant à la conclusion d’un contrat en application d’une telle clause de tacite reconduction, eu égard à sa gravité, impose au juge d’écarter le contrat pour le règlement du litige.

Une commune ultra-marine conclut en 1991 avec une société un marché de mobilier urbain ayant pour objet la location de trois journaux électroniques d’information pour une durée de dix ans. Ce contrat est renouvelé en 2001, puis en 2006, en application d’une clause de tacite reconduction d’une durée de cinq ans.

Le titulaire du marché saisit le juge des référés pour obtenir le paiement des prestations accomplies en 2008. La nouvelle majorité municipale refuse en effet de payer estimant ne pas être liée par un contrat qui a été renouvelé par tacite reconduction, sans limitation, au mépris des règles de mise en concurrence.

Le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre donne raison au prestataire considérant que l’obligation dont il se prévaut n’était pas sérieusement contestable à hauteur de 58 258,43 euros.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme le jugement : l’irrégularité alléguée relative à la passation du marché, [2] se rattache à la procédure de choix du cocontractant et ne concerne ni le contenu du contrat ni les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.

Le Conseil d’Etat censure cette position : les juges du fond ne pouvaient statuer ainsi "sans rechercher si la gravité de cette irrégularité et les circonstances dans lesquelles elle avait été commise n’imposaient pas d’écarter le contrat pour le règlement du litige".

Or, poursuit, le Conseil d’Etat, "l’irrégularité tenant à la conclusion du contrat en application d’une clause de tacite reconduction, eu égard à sa gravité et sans même que le juge du référé provision, compte tenu de son office, ait à examiner les circonstances dans lesquelles elle a été commise, ne permet pas de regarder l’obligation qui découlerait de ce contrat comme non sérieusement contestable".

Ce qui ne signifie pas pour autant que le prestataire n’ait doit droit à aucune indemnisation pour les prestations réalisées : le Conseil d’Etat lui reconnait une créance non sérieusement contestable à hauteur de 30 000 euros ; non pas sur un fondement contractuel, mais sur celui de la théorie de l’enrichissement sans cause.

Conseil d’État, 20 avril 2011, N° 342850

[1Photo : © Lfoto

[2Tenant au recours à la procédure négociée prévue par l’article 312 bis du code des marchés publics alors en vigueur en méconnaissance des conditions fixées par cet article.