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Sécurité de chantier : qui est responsable du non respect des consignes par les salariés d’une entreprise sous traitante ?

Cour de cassation, chambre criminelle, mardi 23 novembre 2010, N° 09-85152

Le titulaire d’une délégation générale pour assurer la sécurité d’un chantier, peut-il être tenu responsable du non respect des consignes de sécurité par les salariés d’une entreprise sous-traitante ?

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Non : dès lors que l’intéressé a rempli ses obligations en donnant les instructions de sécurité requises, il ne peut être tenu pour responsable du non-respect desdites instructions par les préposés d’une société sous-traitante sur lesquels il n’exerce aucun pouvoir de commandement.

Le 15 novembre 2003, la passerelle installée à tribord avant du navire "Queen Mary II", en cours de construction aux Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, s’effondre, entraînant dans sa chute, 18 mètres plus bas, les quarante-six personnes, visiteurs et agents d’entretien, qui l’empruntaient à ce moment. Bilan : 16 morts et 30 blessés.

Des poursuites pour homicide et blessures involontaires sont engagées notamment contre le coordonnateur d’ouvrage. Relaxé en première instance, il est condamné en appel : en sa qualité de coordonnateur d’ouvrage aux Chantiers de l’Atlantique, il disposait d’une délégation générale en matière d’hygiène et de sécurité qui lui imposait de prendre les mesures propres à éviter tout accident sur les lieux du travail. Ainsi "il lui incombait de tout mettre en œuvre pour éviter la survenance d’un quelconque dommage au détriment des visiteurs admis à bord du navire".

La Cour de cassation annule l’arrêt reprochant aux juges du fond, de ne pas avoir répondu aux conclusions du prévenu qui faisait valoir :

 que, titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière de sécurité sur le navire, il avait rempli ses obligations en donnant des instructions pour assurer la fluidité de la circulation des visiteurs, en supprimant notamment le contrôle d’entrée au niveau de la coupée.

 qu’il ne pouvait être tenu pour responsable du non-respect desdites instructions par les préposés de la société sous-traitante (...), chargés du gardiennage et de la sécurité, sur lesquels il n’exerçait aucun pouvoir de commandement, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision".

La Cour de cassation précise également que "la qualification de faute caractérisée ne saurait se déduire du degré de proximité du manquement incriminé avec le dommage". C’est donc à tort que les juges d’appel ont estimé que les manquements constatés "sont dans un lien de proximité et de causalité tel avec le dommage subi, qu’ils constituent la faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité".

Cour de cassation, chambre criminelle, mardi 23 novembre 2010, N° 09-85152

[1Photo : © Nadezda