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Période d’essai : fin de contrat à la discrétion de l’autorité territoriale ?

Cour administrative d’appel de Douai, 7 octobre 2010, N° 09DA00390

Une collectivité peut-elle discrétionnairement mettre fin au recrutement d’un CDD durant la période d’essai ?

Non : une collectivité ne peut légalement prononcer la résiliation d’un CDD au cours ou à l’échéance de la période d’essai qu’à la condition qu’il soit établi qu’elle n’était pas satisfaisante. Il appartient au juge administratif d’exercer un plein contrôle sur la décision de mettre fin à l’engagement.

Un syndicat intercommunal recrute en CDD un responsable d’antenne d’une chaîne de télévision locale dont l’établissement public assure l’exploitation. Le contrat est assorti d’une période d’essai de trois mois.

Quatre jours après la prise de fonction du nouveau responsable, le président du syndicat intercommunal décide de mettre fin au CDD. A l’appui de sa décision il invoque une insuffisance professionnelle caractérisée, d’une part, par des lacunes techniques en matière de montage vidéo et, d’autre part, par l’incapacité de l’intéressé à préparer et animer une réunion de rédaction ainsi qu’à formuler des propositions.

Le contractuel obtient l’annulation de cette décision, ce que confirme la Cour administrative d’appel de Douai :

"si l’administration peut légalement, lorsqu’elle recrute un agent non titulaire pour une durée déterminée, subordonner son engagement à l’accomplissement d’une période d’essai, laquelle présente un caractère probatoire, elle ne peut légalement prononcer la résiliation d’un tel engagement au cours ou à l’échéance de cette période qu’à la condition qu’il soit établi qu’elle n’était pas satisfaisante et ce, sous le contrôle du juge, auquel il appartient d’exercer un plein contrôle sur la décision de mettre fin à l’engagement."

En l’espèce, le juge considère que l’autorité territoriale a conclu trop hâtivement à une insuffisance professionnelle alors qu’au cours des entretiens d’embauche, elle avait eu une connaissance précise et complète de la formation et de l’expérience professionnelle de l’intéressé et avait conscience qu’il s’agissait pour ce dernier, âgé de 23 ans, d’un premier emploi permanent et qu’il était affecté d’un handicap auditif de nature à le gêner dans l’accomplissement de certaines tâches techniques.

Et les magistrats d’en conclure que

"dans les circonstances de l’espèce, compte tenu en particulier de la très brève durée, de quatre jours seulement, des fonctions effectivement exercées par M. A, laquelle durée n’apparaît pas suffisante pour apprécier avec pertinence les capacités professionnelles de l’intéressé à exercer les fonctions susmentionnées, les insuffisances qui auraient été relevées à son encontre au cours de cette période, à les supposer établies, n’étaient pas de nature à démontrer, dès le 15 décembre 2006 au matin, une insuffisance professionnelle propre à justifier qu’il soit mis fin à son engagement".

Le syndicat intercommunal est ainsi condamné à dédommager l’intéressé de son :

 préjudice financier (6000 euros) correspondant à la perte de sa rémunération entre la date de son éviction et le terme de la période d’essai qu’il lui restait à accomplir.

 préjudice moral résultant de la "décision de brusque rupture" que le juge évalue à 1000 euros.

Cour administrative d’appel de Douai, 7 octobre 2010, N° 09DA00390