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Gens du voyage : le maire peut-il s’opposer à la vente d’un terrain ?

Cass crim 28 novembre 2006 N° de pourvoi : 06-81060 Publié au bulletin

Ce maire pouvait-il, cédant à la pression de son conseil municipal, tenter de dissuader un particulier de vendre son terrain à une personne appartenant à la communauté des gens du voyage ?

Le maire d’une commune rurale de l’Isère (500 habitants) apprend que l’un de ses administrés s’apprête à vendre un terrain à une personne appartenant à la communauté des gens du voyage. Craignant que cette vente ne soit annonciatrice de problèmes de voisinage, le conseil municipal demande à son maire d’intervenir auprès du particulier en question pour qu’il renonce à son projet de cession.

L’acheteur éconduit, ayant eu connaissance des pressions exercées sur le vendeur, porte alors plainte pour discrimination contre l’élu. L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Grenoble qui condamne l’élu à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et un an d’interdiction des droits civiques, civils et de famille (outre les dommages-intérêts à verser à la partie civile). Les magistrats relèvent en effet que les pressions que le maire aurait lui même subies ne sauraient l’exonérer de sa responsabilité et que "la vente d’un bien immobilier entre particuliers par l’entremise d’une agence immobilière constituait l’exercice d’une activité économique au sens de l’article 432-7 du Code pénal". Dans un premier temps, la Cour de cassation (arrêt du 24 mai 2005 n° de pourvoi : 04-87490) casse l’arrêt en relevant que la "vente d’un bien immobilier par un particulier à un autre, ne caractérise pas l’exercice d’une activité économique au sens de l’article 432-7, 2 , du Code pénal".

La Cour d’appel de renvoi (Cour d’appel de Lyon 11 janvier 2006) change alors de fusil d’épaule et condamne le maire à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 1 000 euros d’amende, et à un an d’inéligibilité non plus pour discrimination par entrave à l’exercice d’une activité économique (article 432-7 du code pénal) mais pour complicité de discrimination par refus de fourniture de bien en raison de l’origine ou de l’appartenance à une ethnie (article 225-2 1°).

Cette fois la Cour de cassation n’y trouve rien à redire dès lors que le prévenu a été amené à se défendre sur cette nouvelle qualification et que la circonstance que l’auteur principal (le vendeur) n’ait pas été poursuivi est sans incidence sur la culpabilité du complice (le maire).