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Association déficitaire subventionnée, responsabilité de la collectivité assurée

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 10 mars 2011, N° 09MA00119

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Une commune peut-elle subventionner une association dont l’activité est gravement déficitaire ?

 

Difficilement. Surtout si elle dirige en fait l’association. C’est en effet prendre le risque d’une action en comblement de passif dirigée contre la commune notamment si le juge estime que ces subventions ont abouti à masquer l’état de cessation de paiement de l’association.
 

Une association sportive [1] bénéficiant d’importantes subventions communales, est placée en redressement judiciaire.

 

Le commissaire à l’exécution du plan demande à la commune le versement d’une somme provisionnelle de 1 322 987 euros en réparation du préjudice subi par l’association du chef de l’immixtion fautive de la commune dans la gestion de cette personne morale, de sa contribution à l’insuffisance d’actif et de la poursuite d’une activité déficitaire.

 

Le tribunal administratif de Nice fait en partie droit à la demande du commissaire et condamne la commune à payer 843 404,43 euros à l’association.

 

La commune relève appel du jugement en soulevant, à titre principal, l’incompétence des juridictions administratives et, à titre subsidiaire, l’absence de toute faute de sa part.

 

La Cour administrative d’appel de Marseille confirme néanmoins le jugement.

 

1° Compétence des juridictions administratives

Si la recherche de la responsabilité civile de l’Etat ou d’autres personnes morales de droit public au titre de l’exercice d’une activité à caractère industriel ou commercial, sans qu’il y ait lieu de distinguer si la collectivité publique concernée a agi en qualité de dirigeant de droit ou de fait, relève de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire, une telle action relève de la compétence des tribunaux de l’ordre administratif lorsque la responsabilité de l’Etat ou de la personne morale de droit public est recherchée au titre de l’exercice d’une mission de service public administratif".

En l’espèce le club de handball assurait bien une mission de service public administratif. En effet :

 l’association a signé un contrat d’objectifs avec la commune par lequel elle s’était engagée à promouvoir et développer la pratique du handball auprès des jeunes de la commune, à dispenser une formation dans cette discipline allant de l’initiation à la compétition au plus haut niveau, à participer et représenter la commune au championnat de France national 1 de handball avec son équipe première masculine ;

 de telles actions étaient présentées comme d’intérêt communal, prises en faveur de la population de la commune, et comme complémentaires aux activités de celles-ci ;

 le siège social de l’association était un local mis gracieusement à sa disposition par la commune ;

 cette association bénéficiait de subventions de la commune depuis 1992, la part desdites subventions dans ses ressources s’élevant, selon les exercices, entre 80 % et 90 %.

Ainsi c’est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la juridiction administrative était compétente pour connaître de l’action intentée par la commissaire au plan de cession de l’association contre la commune.

2° Responsabilité de la commune

Pour retenir la responsabilité de la commune, les juges de la Cour administrative d’appel retiennent que la commune dirigeait en fait l’association et lui a procuré un soutien financier abusif, contribuant ainsi à masquer l’état de cessation de paiement de l’association.

 

2.1 La commune, dirigeant de fait de l’association

 

La commune dirigeait en fait l’association. En effet :

 l’essentiel des ressources de l’association provenait des subventions de la commune ;

 elle était formellement chargée de l’exécution d’une mission de service public administratif communal ;

 le président de l’association était un employé communal exerçant en réalité ses fonctions en liaison avec l’autorité municipale ;

 le conseiller municipal délégué aux sports, s’est directement immiscé dans la gestion de l’association.

 

2.2 Un soutien financier abusif

Les juges reprochent à la commune d’avoir continuer à subventionner l’association alors même qu’elle avait été alertée, dès la fin de l’année 1996 par un rapport de la mission d’inspection générale de l’administration communale, sur l’état de cessation de paiement de l’association avec un passif estimé à un million huit cent mille francs, et sur de nombreuses irrégularités dont :

 l’absence de commissaire aux comptes ;

 l’absence de convention de mise à disposition de locaux par la commune ;

 l’inscription de recettes non perçues au compte de résultat ;

Ainsi seuls les documents comptables de l’année 1997 ont été certifiés par un commissaire aux comptes [2].

 

Or "malgré cette absence d’organisation administrative et financière dans l’engagement de la dépense, son contrôle et son règlement (...) et les difficultés invoquées par la commune elle-même pour obtenir communication des documents comptables, la requérante a continué à verser des subventions à l’association et en a même accru le montant pendant la période considérée".

 
Et les juges d’en conclure "que ces financements ont abouti à masquer l’état de cessation de paiement de l’association et contribué à la poursuite d’une activité gravement déficitaire " et "qu’ainsi le lien de causalité entre les fautes de gestion commises par la commune et le préjudice allégué par le commissaire à l’exécution du plan de cession est établi".

[1Club de handball

[2Le bilan arrêté au 31 décembre 1997 a révélé que l’actif s’élevait à 1 063 756 euros alors que le passif était de 3 075 351 euros, les bilans antérieurs étant également significatifs quant à l’exploitation déficitaire de l’association.