Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Droit à la scolarisation des enfants en situation de handicap : une liberté fondamentale ?

Conseil d’État, 15 décembre 2010, N° 344729

L’impossibilité pour un enfant handicapé de suivre une scolarisation adaptée, faute de remplacement d’une auxiliaire de vie scolaire, peut-elle constituer une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’éducation justifiant l’intervention du juge des référés ?

 [1]


Oui mais uniquement sous réserve "qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures". "En outre, le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part de l’âge de l’enfant, d’autre part des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose".

Un jeune enfant de trois ans, en situation de handicap, obtient en décembre 2008, un accord de la commission départementale des droits et de l’autonomie des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône pour l’intervention d’un auxiliaire de vie scolaire, à raison de douze heures par semaine, en vue de permettre sa scolarisation en classe de maternelle.

L’auxiliaire de vie recrutée en octobre 2010 par le biais d’un contrat aidé démissionne au bout d’un mois sans être remplacée par l’administration.

Les parents de l’enfant saisissent le juge des référés. Ils soutiennent que :

 le refus persistant de l’Etat d’affecter une auxiliaire de vie scolaire à leur enfant porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à l’éducation ;

 le droit à l’éducation des enfants handicapés est une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille fait droit à leur demande et enjoint à l’administration de l’éducation nationale d’affecter un auxiliaire de vie scolaire pour une durée hebdomadaire de douze heures pour la scolarisation de l’enfant.

Le Conseil d’Etat n’exclut pas, par principe, la compétence du juge des référés :

"la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pouvant justifier l’intervention du juge des référés sur le fondement de cet article".

Pour autant, le Conseil d’Etat pose deux limites :


 le juge des référés n’est compétent que "sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures" ;

 "en outre, le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part de l’âge de l’enfant, d’autre part des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose."

Or, en l’espèce, l’enfant "demeure scolarisé, en dépit des conditions difficiles de cette scolarisation depuis qu’il n’est plus assisté".

Et les magistrats d’en conclure que :

"s’il incombe à l’administration, qui ne saurait se soustraire à ses obligations légales, de prendre toute disposition pour que le jeune Théo bénéficie d’une scolarisation au moins équivalente, compte tenu de ses besoins propres, à celle dispensée aux autres enfants, de telles circonstances ne peuvent caractériser, contrairement à ce qu’a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, susceptible de justifier l’intervention du juge des référés sur ce fondement".

Conseil d’État, 15 décembre 2010, N° 344729

[1Photo : © Juriah Mosin