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Policiers ripoux ou maire imprudent ?

Cass crim 18 janvier 2005, inédit

De sérieux soupçons de corruption conduisent un maire à prendre des mesures préventives pour assainir la situation. C’est légitime. A condition de ne pas rendre l’affaire publique sans la moindre preuve. L’opération mains propres tourne alors au délit de diffamation.

Le maire d’une commune du Sud-Est de la France suspecte une collusion entre les policiers municipaux et un commerçant. La presse se fait l’écho de ses soupçons et reprend ses propos indiquant que les agents "allaient se fournir chez [le commerçant en question]" et qu’en conséquence il avait dû "changer tout le poste" (de police). Le commerçant fait citer directement l’élu du chef de diffamation publique envers un particulier.

Le maire est dans un premier temps relaxé. Statuant sur les seuls intérêts civils (la relaxe au pénal étant devenue définitive), la Cour d’appel de Montpellier (29 avril 2004) estime que le délit de diffamation était bien caractérisé et que l’élu doit réparer le préjudice de la victime estimé à 3000 euros.

Les magistrats héraultais considèrent en effet :

 > "que ces seuls propos situés dans leur contexte établissent de manière suffisante dans l’esprit de tiers, une suspicion de corruption de la part [du commerçant] ;

 > "qu’ils laissent en effet clairement entendre que ce dernier, en échange de divers services, accordait aux policiers du poste (...) qui venaient se servir chez lui des avantages indus ;

 > qu’en " changeant " tous les policiers du poste, le maire a accrédité cette interprétation de ses propos ;

 > que l’élu "n’établit pas la véracité des faits sous-entendus par ces propos".

Le maire se pourvoit en cassation en relevant :

 > qu’en "l’absence de toute autre précision, la dénonciation par un maire de relations trop étroites entre un commerçant et des policiers du quartier ne saurait permettre d’en déduire l’insinuation d’une suspicion de corruption, et ce quand bien même l’élu municipal avait précisé que cette situation l’avait conduit à muter l’ensemble des policiers" ;

 > que "le contexte des propos étant exclusivement I’oeuvre de l’auteur de l’article, la Cour ne pouvait, sans méconnaître le principe selon lequel on ne peut être responsable que de son fait personnel, prétendre retenir ce contexte, dont la teneur n’est au demeurant pas analysée, pour imputer à ses propos une portée diffamatoire" ;

Estimant que la Cour d’appel "a exactement apprécié le sens et la portée des propos litigieux et caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a reconnu le prévenu coupable", la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’élu.